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Vers la fin de la grève ?
L’adoption par le conseil municipal d’une délibération faisant passer le temps de travail annuel des agents municipaux à 1607 heures et d’une autre instituant un nouveau régime indemnitaire lié en partie à la présence des fonctionnaires, mettra-t-elle fin au mouvement social qui perturbe les services publics locaux depuis le 2 octobre ? Possible mais pas certain. Alors que les parents d’élèves, favorables ou non au mouvement de grève, n’en peuvent plus, et que l’exécutif pense avoir fait le plus dur, l’intersyndicale (SUD-Solidaires, CGT, Snuter-FSU, Unsa) abat ses dernières cartes. Une chose est sûre, l’épilogue approche.
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Si l’on s’en tient à la délibération adoptée par les élus dionysiens de la majorité (Saint-Denis à gauche, les élus écologistes et Spencer Laidli ont voté contre), le temps de travail des fonctionnaires de la Ville de Saint-Denis respectera le cadre légal à compter du 1er janvier 2021. Les agents disposeront donc de 25 jours de congés annuels (contre 28 jusque-là), potentiellement portés à 26 ou 27 en fonction des dates de vacances choisies (jours de fractionnement). Les 90 jours de congés offerts avant le départ en retraite sont maintenus pour 2021 mais disparaîtront dès 2022. Exit également les jours du maire (4 à 5 en fonction des années), ainsi que les 5 jours offerts les années suivant la médaille du travail (20 ans de service). En revanche les 10 jours de congé l’année de la médaille sont maintenus.
D’autre part, les cycles de travail vont être revus. Le temps de travail hebdomadaire passe donc de 35h à 35h15 pour les uns, avec deux jours de RTT contre zéro actuellement, et de 37h30 à 38h pour les autres, avec 18 jours de RTT contre 16 précédemment. Nouveauté également, un jour de RTT sera retiré à partir de 15 jours d’absence contre 21 jours jusqu’ici.
Enveloppe supplémentaire
Côté rémunération, le changement a un nom : Rifseep (Régime indemnitaire en fonction des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) qui se substitue à l’actuelle prime annuelle. Là aussi, cette réforme tient d’une obligation légale. Le nouvel exécutif a cependant décidé d’allouer une enveloppe supplémentaire d’1,2 million € pour faire fonctionner ce nouveau système. Ainsi, autour de 500 agents (sur les 3 600 de la Ville) devraient voir leur régime indemnitaire mensuel (IFSE) augmenter. La prime annuelle (CIA) va également être revalorisée de 40 € (de 1530 € bruts à 1570 €) pour tous les agents, auxquels il faudra ajouter 110 € si les fonctionnaires sont absents moins de 15 jours dans l’année. En revanche, en cas d’absence prolongée, le montant de la prime sera désormais ajusté à la baisse. À partir du 15e jour d’absence, moins 20 €/jour. Au-delà de 30 jours d’absence (hors longue maladie, congé maternité, etc.), suppression de la prime pour les agents de catégorie A (cadres). Pour les agents de catégorie B et C, une part fixe est prévue : respectivement 470 € et 800 €.
Après sept semaines de grève infructueuses, quelle attitude adopter pour les organisations syndicales (1) qui refusent ces nouvelles mesures ? L’épisode des serrures vandalisées à la glu dans 13 écoles le matin du conseil municipal n’a pas manqué de susciter la suspicion du côté des responsables locaux.
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« Ces actes constituent une attaque directe contre le droit à l’éducation des enfants dionysiens, et traduisent un manque total de respect à l’égard des familles, a ainsi fustigé la Ville dans un communiqué. La municipalité déposera plainte afin que la lumière soit faite sur ces actes de vandalisme, qui interviennent le jour où le conseil municipal doit se réunir afin de voter les mises en conformité réglementaires concernant le temps de travail des agents et le Régime indemnitaire (Rifseep) intégrant leur prime annuelle. »
Jeudi 19 novembre, en amont du conseil, ils n’étaient qu’une centaine d’opposants à la réforme du temps de travail rassemblés en ordre dispersé, sur le parvis de l’hôtel de ville, dans le froid et l’obscurité. Pas question pour autant de baisser les bras pour ceux qui demandent a minima un moratoire : « On va continuer mais pas de la même manière, lance Patricia Scarpa de Snuter-FSU. Parce que sinon on va s’épuiser. » « On maintient toute forme de contestation tant que nous ne serons pas considérés ni écoutés, renchérit Serge Ritmanic de la CGT. On ne perd pas espoir. »
Et de fait, le lendemain midi, au même endroit, la foule des manifestants était plus compacte sous le soleil revenu. L’intersyndicale votait deux journées de mobilisation les mardi 24 et jeudi 26 novembre et proposait d’initier toutes sortes d’actions d’ici au 3 décembre. Mardi 24 novembre, seules les cantines scolaires restaient perturbées avec 11 offices fermés et 12 en service dégradé, sur un total de 72. Des chiffres qui semblent donc aller dans le sens des affirmations de Mathieu Hanotin en conseil municipal pour qui désormais cette « grève minoritaire est le fait de 150 à 200 agents ». Le mouvement n’est pas fini pour autant.
Yann Lalande
- Seule Force ouvrière (2e force syndicale au niveau de la Ville) a adopté la réforme en comité technique.
Débats. Force à loi contre passage en force
Après l’envahissement et les scènes de violence de la séance du 8 octobre, retour aux standards jeudi 19 novembre dans une salle du conseil clairsemée (un conseiller municipal sur deux) et sans public en raison du confinement. Les échanges n’en ont pas moins été vifs entre une majorité compacte et une opposition mobilisée sur les questions de temps de travail et de prime des agents municipaux.
Le maire Mathieu Hanotin (PS) lançait les débats avec sa présentation de la nouvelle politique de ressources humaines de la Ville :
« Le service public doit être exemplaire. Quand le service public ne respecte pas la loi c’est un mauvais signal. Nous envoyons un message de responsabilité à la population. Cette majorité ne traitera jamais les fonctionnaires de fainéants. Nous avons un profond respect pour leur action. Sans les agents il n’y a pas de service public. C’est avec eux que nous allons construire des solutions qui seront reconnues comme innovantes partout en France. Je sais pouvoir compter sur l’administration de la Ville de Saint-Denis. Les efforts que nous demandons aux agents vont produire un certain nombre d’économies. Elles doivent être réparties justement : 1/3 vers de nouvelles actions, 1/3 pour l’amélioration des conditions de travail et 1/3 rendu en pouvoir d’achat aux agents. Contrairement à ce qui a été dit, nous avons respecté le cadre réglementaire et avons toujours été prêts à discuter à n’importe quel moment du processus. Mais le dialogue social a été très contrarié par une attitude de boycott systématique et aussi de violence et de dégradations. Le choix fait d’une grève juste sur la pause méridienne au moment où cela handicape le plus les parents n’est pas anodin. Je souhaite que tout cela cesse pour que les familles puissent retrouver le chemin des cantines. »
La réponse de Laurent Russier (PCF) et du groupe Saint-Denis à gauche ne se faisait pas attendre :
« Alors que nous sommes en plein confinement et au cœur d’une crise sanitaire et économique inédite, vous avez affiché la volonté de passer en force et de mener à marche forcée votre réforme RH. Bien des choses à faire sont plus prioritaires. C’est un positionnement irresponsable de la part de votre majorité au regard de la crise que nous traversons. Et dans les faits, quels leviers comptez-vous réellement actionner pour prévenir l’absentéisme ? » Mathieu Hanotin de répondre du tac au tac à son prédécesseur : « Il y a une vraie souffrance de certains agents qui viennent travailler avec la boule au ventre. C’est le fruit d’une mauvaise ambiance faute d’un pilotage réel des ressources humaines depuis des années. Je crois que la règle protège. Un petit nombre a abusé du système pendant de nombreuses années et a tiré l’ensemble du système vers le bas. »
La passe d’arme se poursuivait ensuite avec une autre élue d’opposition Nora Bensalah : « Vous n’affichez aucune volonté de vous battre contre les lois régressives de Macron. Vous faites le choix d’être bon élève du président de la République pour financer vos réformes coûteuses et dangereuses. Vous faites tout l’inverse de ce que vous prôniez en 2017. Pourquoi vous montrer inflexible sur le temps de travail ? Vous persistez à refuser d’écouter les syndicats afin de créer les conditions d’un dialogue serein. Vous avez essayé de casser ce mouvement plutôt que de négocier. On ne réforme pas contre les agents. Cette crise creuse un fossé entre ces derniers et les élus. » Et le maire de concéder à son opposante : « Nous avons une vision différente de la société. Selon moi ce n’est pas aux organisations syndicales d’écrire les règles mais bien aux responsables politiques en partenariat avec ces mêmes organisations syndicales. »
« On ne peut pas refaire l’histoire »
Brahim Chikhi et Leyla Temel, deux adjoints de Mathieu Hanotin, venaient alors au soutien du maire. « Nous n’avons pas envoyé la police municipale comme vous l’aviez fait pour déloger les chauffeurs de car grévistes du CTM, a commencé par rappeler l’élu aux ressources humaines, en première ligne sur le dossier. On ne parlait pas d’être en Macronie alors ? Personne ne vous a dit que vous étiez sans cœur ? La difficulté d’un rapport social conflictuel vous l’avez connue. Une grève, personne ne peut s’en réjouir. La majorité sortante a essayé de faire la réforme que nous votons ce soir en 2016. Cette réforme a été adoptée dans d’autres collectivités mais ça ne s’est pas passé comme ici. On aurait pu faire autrement mais on ne peut pas refaire l’histoire. On comprend que des agents ne soient pas contents de perdre des congés, mais on ne peut pas leur dire qu’on a le choix de ne pas le faire. »
« Ce mouvement s’est très vite concentré là où il pouvait plus pénaliser les familles, sur la pause méridienne, ajoute l’adjointe à l’éducation. Mais le syndicalisme ce n’est pas que construire un rapport de force. Le problème ce ne sont pas les 1 607h mais la désinformation sur la prime et des années de souffrance au travail et des chantiers inaboutis. Le préfet mettra en place les 1 607h de toute façon. Nous avons intérêt à prendre les choses en main plutôt que de subir. »
Le débat se poursuivait ensuite sur le nouveau système de prime annuelle. Pour lancer le tir de barrage de l’opposition, Bakary Soukouna : « Ce Rifseep négocié avec un seul syndicat est un gâchis. En vous donnant plus de temps vous auriez pu arriver à un accord satisfaisant tout le monde. La majorité précédente avait souhaité prendre ce temps. Deux mois ne sont pas suffisants pour bâtir un projet au bénéfice de tous. »
Kader Chibane (EELV) attaquait le sujet sous un autre angle : « Le management du secteur privé n’est pas celui du service public. Les méthodes du secteur privé sont inadaptées et destructrices. La refonte des primes au mérite nous ne la partageons pas. Je vous invite à sortir par le haut avec le retrait de ce rapport afin que les agents donnent leur avis sur ce projet. S’ils sont favorables, vous n’avez rien à craindre. » Et Sophie Rigard (Place publique) de renchérir : « Les agents grévistes souhaitaient arrêter la grève pour se consacrer au service public. Un moratoire aurait pu être un petit geste. Vous, vous faites le choix de foncer. Ce que vous appelez un retour à la légalité est une brutalité inédite. »
« L’amélioration du service rendu aux citoyens est la priorité de cette majorité », concluait Mathieu Hanotin. Et le maire de renvoyer au récent choix des électeurs : « Si cela se passait bien avec la précédente majorité nous n’aurions pas été élus. Il faut écouter, discuter bien sûr, mais à un moment donné, ma responsabilité c’est de décider. Cette réforme va augmenter le pouvoir d’achat des agents. Mais ces augmentations doivent être conditionnées. Je ne comprends pas que l’on rejette le mot mérite. Les agents qui font preuve de motivation supplémentaire doivent pouvoir avoir un bonus. »
YL.
Réactions
Laurent (Pseudonyme non vérifié)
24 novembre 2020
anonyme (Pseudonyme non vérifié)
24 novembre 2020
Maguy (Pseudonyme non vérifié)
25 novembre 2020
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
25 novembre 2020