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Télétravail : morne Plaine
Il fait pâle figure. Depuis le début de la crise sanitaire liée à la Covid-19, le quartier de la Plaine accuse le coup. En ces temps de pandémie, le télétravail de rigueur a vidé les bureaux de leurs salariés. L’immense bâtiment d’Orange, près de la gare RER, n’échappe pas à la règle. Traverser le hall de l’édifice, désert et silencieux, est presque oppressant. Aliou, agent de sécurité, est l’une des rares âmes humaines à occuper ce vaste espace.
« Il n’y a que des employés de passage, qui viennent par exemple récupérer du matériel informatique, et le service de maintenance qui sont présents », explique-t-il. Depuis le début du second confinement le 29 octobre, pratiquement tous les employés travaillent depuis chez eux. Une situation que ne vivent pas très bien Aliou et ses collègues : « On s’ennuie. On ne voit pas beaucoup de monde, même à l’extérieur sur l’esplanade. La vie semble s’être arrêtée », se désole-t-il.
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L’esplanade, c’est celle de la gare RER de La Plaine - Stade de France. D’ordinaire très fréquentée, surtout aux heures d’arrivée et de sortie des bureaux, elle draine moins de public qu’à l’accoutumée. Un phénomène que relativise un agent de la SNCF en poste dans la gare : « Il y a toujours du monde. Le télétravail a juste supprimé le surplus d’usagers qui sortent d’habitude des bureaux. Mais il est vrai que l’affluence a baissé. »
Des commerçants à la peine
Les rideaux baissés des cafés, brasseries et restaurants ajoutent à la sinistrose qui règne dans le quartier. « On se croirait un dimanche alors qu’on est un jour de semaine », s’exclame Valérie, qui tient avec Jean-Michel l’enseigne de restauration rapide Tout à croquer. Installés sur la place des Droits-de-l’Homme depuis vingt-deux ans, au milieu des bureaux et de la gare RER, ils subissent la crise de plein fouet. L’essentiel de leur clientèle est en effet constituée de salariés des entreprises alentour. « On ne sait pas si on va survivre, mais on se bat pour conserver notre outil de travail. On vit au jour le jour », soufflent les commerçants, qui accusent une baisse du chiffre d’affaires d’environ 70% depuis le début du deuxième confinement.
Comme d’autres commerçants de la Plaine, ils craignent l’avenir et les conséquences que pourraient entraîner la crise. Rue du Landy, les boulangers Lyes et Julie ont peur que les bâtiments d’entreprises restent indéfiniment vides. « Pratiquement tous les commerçants dépendent des salariés des entreprises installées ici pour vivre. On se demande si le télétravail va continuer à être la norme même après la fin de la crise sanitaire. Et dans ce cas, on sera obligé de mettre la clef sous la porte », racontent-ils.
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Les grandes enseignes ne sont pas non plus épargnées. Privés de la clientèle habituelle et du flot de spectateurs qui viennent d’habitude assister aux matches qui se jouent au Stade de France, le McDonald’s est lui aussi en négatif. Mais Lionel Testa, superviseur du restaurant, relativise sa situation : « On a la chance d’avoir un grand groupe derrière nous, ce qui n’est pas le cas des brasseries par exemple. Ce qui m’inquiète c’est de voir le nombre de rideaux qui vont rester baissés lorsque l’activité reprendra son cours normal. »
Une nécessaire diversification
Pour Paul Hausseguy, commercialisateur de bureaux pour le compte de la société JLL, le quartier de la Plaine a tout intérêt à s’ouvrir à d’autres secteurs d’activités pour sortir du modèle essentiellement tertiaire. « Il faut tendre vers moins de construction de bureaux, et vers plus de constructions qui correspondent au marché, comme par exemple des immeubles industriels et de logistique. Il faut réintégrer ces gros employeurs dans le territoire », explique-t-il. Il plaide également pour l’intégration de petites et moyennes entreprises dans le secteur, dans des locaux adaptés à leurs besoins et qui se fonderaient mieux dans le paysage. « Il faut ré-humaniser le territoire, recréer des vies de quartier. Il ne faut pas que les immeubles de bureaux soient reclus sur eux-mêmes et que l’animation du territoire repose uniquement sur les flots d’allées et venues des travailleurs. »
La Plaine va devoir faire face à de nombreux défis dans les mois et les années à venir, notamment en raison de l’arrivée de la ligne 14 à Clichy et à Saint-Ouen, qui pourrait attirer les entreprises à l’ouest de Plaine Commune. Mais Paul Hausseguy reste optimiste et prédit un retour des salariés dans les bureaux de Saint-Denis : « Le quartier ne va pas mourir et continuera à rayonner. »
Sarah Boumghar
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Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
14 décembre 2020
lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
15 décembre 2020
Fabien (Pseudonyme non vérifié)
18 décembre 2020