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Quand le passé (industriel) laisse des traces
À quelques encablures du Stade de France, de l’autre côté de l’A86, la future Zone d’aménagement concertée (ZAC) Saulnier est en pleine transformation. Le site de l’ancien centre de recherche de Gaz de France (devenu Engie) s’apprête à accueillir le Centre aquatique olympique (CAO) dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024. Un gigantesque chantier qui sera réalisé par Bouygues et conduit par la Métropole du Grand Paris (MGP) pour un coût estimé à 175 millions €. Mais avant de poser la première pierre de la piscine qui accueillera les épreuves olympiques de natation synchronisée, de plongeon et la phase de groupe de water-polo, la Plaine Saulnier doit faire face à son passé industriel polluant.
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Le CAO se trouve en effet sur un terrain qui a abrité dès 1889 l’usine à gaz du Landy et ses trois gazomètres. Gaz dont la production a pris fin dans les années 1970 avant que Gaz de France n’y installe son centre de recherche. Les installations de l’usine à gaz sont ainsi démolies et les fosses des gazomètres et des citernes à goudron sont remblayées après avoir été vidées.
La dépollution à la charge de la MGP
Lorsque la MGP acquiert le terrain en juillet 2019, des diagnostics sont réalisés par la société Anteagroup et révèlent des traces importantes de pollution dans les sols et la nappe phréatique. Sont retrouvés des « teneurs anormales » d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) produits par la combustion d’énergies fossiles, de BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes) typique des sites pollués par la pétrochimie, ainsi que des solvants et, « dans un impact modéré », des cyanures et des composés organiques volatils. « La MGP assume la charge technique, financière, opérationnelle et juridique des travaux de dépollution de la ZAC Saulnier en sa qualité de maîtrise d’ouvrage », fait alors savoir l’établissement public. Elle prend ainsi en charge les 20 millions € de travaux nécessaires à l’exploitation du terrain.
« Nous traitons l’entièreté des 12 ha de la future ZAC Saulnier », précise Sébastien Amiot, responsable région de l’entreprise Séché environnement, mandataire des travaux de dépollution. L’entreprise aux 4 600 salariés est responsable de la totalité des travaux réalisés grâce à un groupement d’entreprises. La piscine ne représente qu’une petite partie de la zone dépolluée par Séché environnement. Une fois les JOP terminés, un nouveau quartier, la ZAC Saulnier, sera aménagé par la MGP dans l’optique de « construire un héritage olympique durable et de désenclaver un des derniers sites post-industriels du territoire ». Depuis début octobre, d’immenses barnums blancs se montent les uns à côté des autres. Les centaines de poteaux, qui forment l’armature des tentes, sont plantés à 18m de profondeur.
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« Nous faisons des fondations profondes pour toucher les sols porteurs et pour pouvoir creuser sans problème », détaille Sébastien Amiot. Les tentes abriteront de manière hermétique dès le 11 janvier et jusqu’en décembre 2021 les travaux d’excavation des terres polluées. « Toutes les zones impactées sont déjà localisées, explique Sébastien Amiot, chargé de superviser la totalité des opérations de dépollution. On sait avec précision où se situent les terres à excaver. »
En 2010, selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la technique de l’excavation des sols représente 51,5% du tonnage total des sols traités. Il s’agit de la méthode la plus simple, la plus radicale et la plus rapide pour supprimer une source de pollution. Mais l’excava ion n’est pas une fin en soi, les sols pollués excavés doivent faire l’objet d’un traitement. « Certaines terres peuvent être réutilisées mais elles sont généralement traitées et enfouies », précise-t-on au sein de l’entreprise Séché.
Des terres souillées à 3 mètres de profondeur
Une quarantaine d’opérateurs en tenues et gants jetables, armés de masques ventilés, devront ainsi retirer 164 000 m3 de terres propres, pour atteindre les terres souillées situées entre 3 et 6 m de profondeur. Une quantité de terre qui permettrait de remplir environ 400 piscines de 25 m. Les terres souillées, qui représentent environ 35 000 m3, soit l’équivalent de 100 piscines, seront alors évacuées hors du site et acheminées par voies fluviales ou routières vers des filières de traitement et de revalorisation adaptées, situées notamment en région parisienne ou dans l’ouest de la France, en particulier sur le site de Changé à proximité de Laval. Chaque camion ou péniche de terre part accompagné d’un bordereau de suivi pour assurer sa traçabilité jusqu’au centre de traitement. La prise en charge et le traitement des terres doivent ensuite être certifiés auprès du maître d’ouvrage, Anteagroup. Contactée, l’entreprise n’a pas donné suite à nos sollicitations.
« Après chaque excavation, il y a des prélèvements de sols qui sont envoyés dans un laboratoire extérieur spécialisé, détaille le responsable de région. On regarde alors si la qualité du sol est conforme à ce qui a été prévu dans le plan de dépollution. S’il l’est, on peut alors remblayer avec des matériaux inertes, sinon des reprises sont faites. » « Il y a des contraintes de dates pour l’aménagement de la ZAC Saulnier, détaille le responsable pour justifier la technique de l’excavation choisie. C’est un procédé qui permet de ne pas immobiliser la totalité du chantier en libérant les zones petit à petit.
Au fur et à mesure de l’avancement des travaux, les tentes seront démontées et la construction pourra débuter.c» La construction du CAO est en effet soumis à un timing serré. Prévue pour démarrer à l’été 2021, la livraison de la piscine est fixée au 1er avril 2024, soit quatre mois avant le début des JOP.
Olivia Kouassi