Portrait
Benoît Teste/
Professeur principal
La boulangerie baignée de lumière face au lycée Suger reste calme en cette matinée de vacances scolaires. Même s’il ne sucre pas son café, la touillette en bois n’a pas fait long feu entre les doigts de l’enseignant. Arrivé à Saint-Denis en septembre, trois mois avant d’être élu secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU), première organisation syndicale de l’enseignement, le quarantenaire réservé compte poser ces bagages pour un temps. « Suger, ce n’est pas un passage », assure-t-il. Syndiqué dès ses premières années d’enseignement, il n’a jamais voulu arrêter d’instruire et tient « à ce côté proche du terrain ». D’ailleurs, à la FSU, personne n’est à décharge complète de service, tout le monde garde un pied dans « la réalité du métier ». « Je vois ce que l’application des réformes veut dire », souligne-t-il, mentionnant les épreuves communes de contrôle continu (E3C) du nouveau bac.
E3C : « la crainte d’un bac local »
« Un 12 à Louis-Le-Grand ne vaut pas un 12 à Saint-Denis, mais, au moins, le bac était le même et avait la même valeur. La crainte derrière les E3C c’est celle du bac local. » Tous les vendredis, Benoît Teste dégaine son cartable de prof et enfourche son vélo pour se rendre au lycée depuis le 19e arrondissement de la capitale où il a posé ses bagages avec sa compagne. À Suger, il fait cours à deux classes de première STMG dans une « très bonne ambiance. Les élèves sont vingt-deux par classes et ça se passe très bien ».
Un léger accent du Sud trahit Benoît Teste, né à Perpignan en 1978. Il grandit dans le Gers (32) avec sa mère, au milieu d’une fratrie de quatre garçons, passe son bac à Auch avant de rejoindre Toulouse. Après les classes préparatoires, le jeune Benoît, au profil très littéraire, se lance dans une licence d ’histoire. « Je ne voulais pas forcément devenir prof, ce n’était pas une vocation, confesse l’enseignant. J’avais un goût pour l’histoire et les études, donc la probabilité de devenir prof était grande. » Après avoir obtenu un CAPES histoire-géographie en 2001, le Sudiste est envoyé dans l’académie de Créteil, « là où tous les jeunes profs sont envoyés » et va passer quatre ans titulaire d’une zone de remplacement vers Melun (77). En 2006, il quitte la région parisienne pour rejoindre sa mère dans l’académie de Lyon où il passera l’agrégation en interne en 2007. S’il concède le degré de difficulté de l’examen, Benoît Teste milite pour que l’agrégation soit le seul concours reconnu, arguant qu’en interne, « on prend plus en compte les compétences dans l’enseignement ». Déjà militant mais non encarté pendant ses études, c’est une fois prof que le secrétaire général s’est syndiqué au SNES-FSU, la branche des enseignants du second degré.
« C’est là qu’on peut discuter du métier. C’est paradoxal, parce qu’en tant que fonctionnaire on a la sécurité de l’emploi, mais on est pris dans une logique de pression importante. Le syndicat est un lieu pour en parler et se renseigner sur ses droits. » Le syndicat non plus n’était pas un plan de carrière pour ce passionné d’opéra qui, une fois arrivé à Lyon, milite de plus en plus sur les problèmes des autres enseignants remplaçants. Il obtient rapidement davantage de responsabilités et devient secrétaire académique de la section lyonnaise en 2012. Parallèlement, il s’implique toujours plus au niveau national et « de proche en loin » commence à travailler sur les droits de tous les fonctionnaires avant de devenir secrétaire général adjoint national du SNES-FSU en 2016. C’est sa récente élection au rang de secrétaire général FSU qui l’a poussé à quitter Lyon pour s’installer dans la capitale dont il regrette « les prix délirants ». Le temps libre se fait désormais rare chez ce cinéphile. « J’essaie de rentabiliser ma carte en allant au cinéma deux fois par semaine. »
Au menu de son nouvel emploi du temps, allées et venues dans les ministères, réunions intersyndicales et animation des réunions du bureau de la FSU situé aux Lilas. « Je suis amené à prendre l’avis de pleins de gens, c’est vraiment un travail de synthèse. » Pour celui qui préfère parler syndicalisme plutôt que de détailler sa vie privée, la médiatisation qui va avec son nouveau statut n’est pas « le plus agréable. C’est sympa la maman qui nous regarde à la télé, mais on est vite exposé, surtout que ce qu’on fait est un peu clivant, les grèves impactent les gens ». La grève, il l’a faite deux vendredis au lycée Suger et a reversé les autres jours aux caisses de grève et aux syndicats. Il a pris part à deux manifestations au flambeau à Saint-Denis ainsi qu’au meeting national des leaders de la gauche organisé en décembre à la bourse du travail. Des rencontres qui lui ont permis de juger la vie politique de la ville « assez en prise » avec le FSU. Fort de son parcours, Benoît Teste l’assure, « j’aurais une autre vie » après au moins un mandat de trois ans.
Olivia Kouassi