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Pas réservé aux boss des maths
Les chiffres et symboles abscons se bousculent dans la tête, l’anxiété de la mauvaise note qui se profile nous paralyse devant la feuille. On prédit la déception des parents qu’on entend déjà nous sermonner. Ces satanés exo 1 et 3 qui nous narguent auront raison de notre trimestre, encore une fois ! Après une journée de répit, le couperet tombe : « deux pour l’encre », comme dit le prof. Au moins, pas de virgule, c’est un chiffre rond… Pour les moins matheux d’entre nous, les mots théorèmes, formules, abscisses et ordonnées nous renvoient à de lointains et douloureux souvenirs, à des problèmes insolubles. Mais pour exorciser nos démons, il faut combattre le mal à la racine : se débarrasser des carcans que nous avons construits dans nos esprits.
17 lieux contre 8 l'an passé
C’est en substance ce que propose la seconde édition de Maths en Ville organisée à Saint-Denis du 17 au 20 octobre par la compagnie Terraquée. L’idée est de renouer les liens rompus avec cette matière qui nous accompagne pourtant dans notre quotidien : au moment de faire la monnaie à la boulangerie, quand on évalue – le compas dans l’œil – l’espace disponible pour se garer, lorsque l’on calcule le nombre d’heures travaillées dans la semaine… Ça en fait des applications ! « Le public de Maths en Ville n’est pas forcément féru de maths », assure son initiatrice Meriem Zoglhami, qui se définit elle-même « nulle » en mathématiques. « Avec nos animations, nous souhaitons plutôt banaliser les maths. Les désacraliser pour avoir une relation plus détendue. » Même si l’équation n’est pas simple, elle est soluble.
Le festival est le point d’orgue du travail mené dans l’année par la Cie Terraquée qui allie mathématiques et théâtre. Les ateliers Mathéâtre et les clubs maths font grandir la compagnie et son festival qui peut se targuer d’avoir gagné en volume. Dix-sept lieux contre huit l’année dernière vont être occupés pour cette nouvelle édition. Même la prestigieuse université d’Orsay a sollicité la compagnie pour faire partie de l’aventure. Mercredi 17 octobre, de 14h à 16h, un atelier de manipulation de formes géométriques sera ouvert aux enfants de 4 à 8 ans et à leurs parents à la Maison des parentset, en parallèle, un atelier céramique se tiendra à la boutique Franciade ; le « jeu-test » Les cigales fourmillent sera quant à lui présenté au bar le Pavillon à 16h.
Démocratiser la culture des mathématiques
Pour la soirée d’ouverture, la librairie Folies d’Encre accueillera à 19h Michèle Audin, fille du mathématicien communiste assassiné en Algérie Maurice Audin. Membre de l’Oulipo, femme de lettres et de sciences donc, elle y présentera son nouvel ouvrage La formule de Stokes. Le lendemain, à 18h au musée d’art et d’histoire, Hubert Krivine, auteur du Petit traité de hasardologie, causera hasard. À ne pas manquer non plus la conférence-jonglée de Vincent de Lavenère et du chercheur Florent Hivert vendredi 19 octobre à 19h à l’académie Fratellini. Le duo reviendra sur les enjeux de recherches en mathématiques en utilisant des balles chantantes (une invention de Lavenère). Enfin, à noter la journée de clôture sur le parvis de la basilique avec des stands, jeux, lectures et de nombreuses associations dont Science Ouverte qui milite pour un accès des jeunes talents du 93 au monde scientifique.
Avec son festival, la compagnie Terraquée entend démocratiser la culture des mathématiques. Car les maths ce sont l’exercice du raisonnement et l’art de la démonstration, une façon de s’outiller face aux processus et logiques complexes qui régissent nos sociétés.
« Je ne sais pas si les maths sont élitistes, même s’il est vrai que c’est une matière qui aide à sélectionner. Pour ma part, j’ai découvert que les maths pouvaient être le lieu d’une certaine vérité, explique Meriem Zoghlami. Quand vous faites des mathématiques, vous êtes considéré et ce, qui que vous soyez. C’est pourquoi il me semble intéressant que les jeunes des quartiers se saisissent des matières scientifiques. Nous avons la conviction que les maths peuvent être un tremplin social. »
Alors, pas de panique, le festival pourrait bien agir comme une thérapie cathartique. Il se dit d’ailleurs que les maths nous segmentent : soit on les aime, soit on les déteste. Et si on trouvait enfin un juste milieu ?
Maxime Longuet
Maths en Ville, du 17 au 20 octobre, dans dix-sept lieux de la ville. Programme complet sur www.mathsenville.com
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17 octobre 2018