Portrait

Manuel Barbeito

Désormais, ses deux enseignes trônent au-dessus de la boutique atelier Franciade, rue de la Boulangerie. Manuel Barbeito, leur créateur, voue une passion irrépressible à ces cartouches, jadis signes de reconnaissance d’un commerce ou d’une activité. Celles-ci, qui évoquent la céramique et l’artisanat, ont une histoire. Après une formation en vitrail auprès de Riccardo d’Oriano (le magasin O’rus, allée des Six-chapelles), Manuel Barbeito effectue un stage à l’Unité d’archéologie, au cours duquel il participe à la tenue du village des artisans dans l’îlot Cygne en réalisant… des enseignes. Puis, lors de l’exposition sur la verrerie Legras au musée d’art et d’histoire, il crée deux Archéoplasties, mobiles faits à partir de fragments de verre. Les enseignes de Franciade suivent donc, logiquement. « Une enseigne doit être simple et annoncer clairement son objet » dit-il. Utilisant le croquis, la gravure, les techniques du vitrail, Manuel Barbeito voit là l’occasion de « mettre dans la rue, à la portée de tous, un art populaire ». Manuel est un manuel. Et l’a toujours été. Né en Espagne du côté de La Corogne, il est, tout petit, attiré par la terre, l’argile qu’il aime malaxer. Il arrive avec ses parents à Paris à l’âge de 11 ans. « Je voulais être pilote de ligne » se souvient-il. Mais ses mains l’attirent vers la chaudronnerie, « pour façonner le métal ». Au bout de quelque temps, déçu, il dévie vers l’imprimerie tout en suivant des cours du soir. Ce fut l’aventure de la fac de Paris 8, alors à Vincennes, où il découvre les sciences humaines. « Cette période de ma vie m’a donné accès à d’autres mondes » dit-il aujourd’hui. Supportant mal les carcans de l’autoritarisme, Manuel va de boîte en boîte, adepte de l’intérim qui le laisse libre. Il découvre Saint-Denis en 1985, pour mettre en place un Copytop (boutique de services de copies et d’impressions) rue Gabriel-Péri. Mais il vit toujours à Paris, ce qui ne l’empêche pas de rencontrer une Dionysienne, Françoise, sa compagne, « dans un bar à vin ». Car l’homme est bon vivant, et le revendique. Aujourd’hui établi à Saint-Denis, il s’y sent chez lui. « J’ai un attachement filial à cette ville, c’est chez moi, c’est ma famille ! » s’écrit-il. Connu pour ses qualités cuisinières – sa paella est devenue légendaire ! –, il n’est jamais tant heureux que lorsqu’on fait appel à lui, pour dix, vingt, cinquante, cent personnes et plus… « C’est le plaisir de la convivialité. La bouffe, c’est quelque chose qui réunit, qui rassemble. » Des idées, il en a plein la tête, Manuel. Ouvrir un bistro à vin à Saint-Denis ; faire que « sa » ville soit fière d’elle-même : « on nous traite de banlieue, on nous met au ban, alors qu’il nous faut affirmer qu’on est une ville et qu’on en est fiers ! » ; multiplier les enseignes dans la ville, et d’ailleurs il est sur le point d’en réaliser une pour le pâtissier Lannoy… Bref, les mains de Manuel n’ont pas fini de façonner des signes, comme des clins d’œil aux gens qu’il aime. Et il y en a un paquet !
Benoît Lagarrigue