Portrait
Lucian Filimon
Des pongistes roumains après les plombiers polonais ? Lucian Filimon est l’un de ces fantassins de la légion roumaine qui exporte dans toute l’Europe son trop plein de talents. Mais à l’évidence, l’athlète du Saint-Denis US TT préfère, et de loin, le top spin (équivalent du lift au tennis) au dumping. Avant de poser ses bagages en 2000 dans notre ville, celui qui pointe aujourd’hui numéro 4 aux pays de Dracula s’était fait les dents en Allemagne, à 20 ans. «Chez nous, le tennis de table n’a pas les moyens de retenir ses meilleurs éléments», explique l’expatrié dans un français à peine ridé par quelques R roulés de ci de là.
Le long jeune homme, originaire des Carpates, s’est lancé tard à la conquête du monde, comparé à ses copains. Ce retard au service lui aura permis d’étudier quatre ans à l’université et d’y décrocher un diplôme de sport. «Après l’Allemagne, j’avais eu une proposition en Espagne, mais on m’a dit beaucoup de bien du Sdus. J’avais bien accroché avec le président qui m’avait présenté un solide projet sportif.» Et voilà comment le droitier aux revers dévastateurs – la griffe de l’école roumaine – a rejoint ses cousins latins. La faculté d’adaptation est une seconde nature chez ses ressortissants de l’Est. Lucian manie avec pratiquement la même aisance l’anglais, l’italien et l’allemand. Alors il ne peut que se reconnaître dans la Babel dionysienne à laquelle il s’identifie avec bonheur.
Cependant, avec un emploi du temps farci de huit entraînements hebdomadaires et la préparation physique qui l’accompagne, la petite balle blanche est une maîtresse exclusive. Lui ne laisse rien au hasard, diététique comprise. Il est adepte d’une alimentation saine, pauvre en protéines animales et basée sur des produits biologiques, «un gage de longévité», assure-t-il en souriant. «Plus qu’un régime de sportif de haut niveau, c’est un choix de vie », ajoute-il. À La Raquette (la salle du Sdus TT), certains le regardent encore comme un Ovni.
À 29 ans, il ne s’en plaint pas. «J’ai déjà vécu tellement de choses fortes avec le club », assure ce membre à part entière de l’équipe première, également entraîneur chez les jeunes. Il y eut l’accession parmi l’élite, la Coupe d’Europe, la descente puis la remontée récente en Pro A, à la fin mai. Et puis ce fut, dans la foulée, une médaille d’argent en individuel, lors des championnats de France. « C’était ma première participation en tant que naturalisé français, un cadeau que j’adresse à mon club. »
Comme tous les étés, le médaillé de bronze au championnat d’Europe 2006 est retourné dans sa famille. Il est allé s’entraîner dans la salle de ses débuts, avec son premier professeur auquel il voue une profonde admiration. À une place près, Lucian Filimon aurait pu se retrouver à la table des Jeux olympiques de Pékin. «J’ai manqué les sélections où seuls les trois premiers Roumains étaient qualifiés », regrette-t-il. Il était alors classé quatrième, la place en chocolat qui rend marron. À bientôt 30 ans, il arrive dans la plénitude de ses moyens. Mais il prépare déjà sa reconversion. Le journalisme sportif l’attire, histoire de rester du bon côté du filet lorsqu’il aura lâché le manche de sa raquette.
F.L.