À la une En ville

Mouvement social
/ Les petits salaires en première ligne

Depuis le 2 octobre, des fonctionnaires du service public communal - principalement les femmes - sont mobilisés contre la remise en question de leurs jours de congés et de leur prime annuelle par le nouveau maire Mathieu Hanotin.
Mardi 13 octobre, les personnels communaux en grève ont défilé en fin de matinée dans le centre-ville. © Yann Mambert
Mardi 13 octobre, les personnels communaux en grève ont défilé en fin de matinée dans le centre-ville. © Yann Mambert

Agents des crèches, des cantines, des accueils de loisirs, des écoles, des antennes jeunesses ou encore personnel de ménage. Ces petites mains de la machine municipale, des femmes essentiellement, sont au cœur du mouvement social contre la remise en question de leurs jours de congés et de leur prime annuelle par le nouveau maire Mathieu Hanotin (PS).

Depuis le 2 octobre, ces fonctionnaires du service public communal sont les plus mobilisés lors des rassemblements devant la mairie. Ils sont aussi les plus nombreux. Selon le bilan social 2017 de la Ville de Saint-Denis, environ 77 % des quelque 3 600 agents communaux occupent un poste de catégorie C, l’échelon le plus bas, contre 14 % en catégorie B et 10 % en catégorie A. Et 49 % des catégories C habitent à Saint-Denis.

LIRE AUSSI / Heurts en plein conseil municipal : un élu légèrement blessé 

« Hanotin s’attaque aux petits salaires. Ce sont eux, en bas de l’échelle sociale de la mairie, qui vont le plus souffrir de cette réforme. La précarité va augmenter », estime Marwan (1), responsable d’une antenne de jeunesse. « Nous, on est sur le terrain. Il n’y a rien de plus dur que de travailler au contact de la population. Même si c’est un plaisir, le travail est difficile. On a fait le choix d’être fonctionnaire, mais, financièrement, ce n’est pas non plus l’Eldorado », poursuit cet agent qui touche 1 900 euros net par mois. Un animateur, explique-t-il, débute autour de 1 400 euros mensuels, et peut espérer monter à 1 700 euros en fin de carrière, alors que « la majorité d’entre eux bosse dur », assure-t-il.

« Ça va pénaliser les plus fragiles »

« La nouvelle municipalité nous fait passer pour des fainéants », dit Christine, auxiliaire de puéricultrice en crèche, dans l’est dionysien. Un sentiment partagé parmi les agents mobilisés. Cette réforme est « injuste pour le personnel. On s’attaque à nos acquis sociaux. Cela va pénaliser les plus anciens, les plus fragiles », critique la fonctionnaire, qui gagne 1 850 euros net par mois, après presque trente ans de carrière. Elle a calculé : elle devra travailler une dizaine de jours supplémentaires par an pour le même salaire, sans garantie de toucher la prime annuelle de 1 450 euros. 

Automatiquement versée jusqu’ici, cette dernière sera en partie modulée selon la présence de l’agent. « Il faudra être en bonne santé et ne pas tomber malade », critique Christine. Cette mesure va surtout « sanctionner » des agents qui souffrent déjà au travail, estime-t-elle, sans régler le problème de l’absentéisme. Dans son rapport 2017, la cour régionale des comptes avait pointé un taux d’absentéisme de 13,8 % à Saint-Denis, contre 8 % pour les autres communes de la petite couronne. Comme elle, beaucoup de femmes âgées de 45 à 60 ans, en catégorie C, travaillent à des postes à pénibilité importante, comme dans la restauration, l’entretien ou la petite enfance. À Saint-Denis, environ 70 % des agents de la Ville sont des femmes. Ce taux monte à 97 % à la petite enfance ou encore 87 % à la vie scolaire. 

« On prend de l’âge. On n’a plus notre jeunesse », confie Fatima, atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), la quarantaine, seize ans de carrière, 1 500 euros net par mois. « C’est difficile. Parfois, on porte des enfants alors qu’on a le dos cassé. Franchement, on aime notre métier. On fait plus que notre travail. Mais on est aussi fatigué », dit cette femme qui travaille 37 heures et demie par semaine. « On travaille dans des conditions précaires. Quand il y a un malade, un absent, il n’y a pas de remplaçant », témoigne Karima, 43 ans, responsable d’une cantine à Pleyel. « Et maintenant ils veulent toucher à nos congés, notre prime, à ce qui nous motive ?, dit-elle, taclant M. Hanotin. Est-il de gauche ou est-ce un réformiste de droite ? On dirait Macron. »

« On a déjà du mal à joindre les deux bouts » 

 « On fait un travail physique, pénible. Avec l’âge, je commence à avoir des problèmes au dos, aux épaules. Après vingt-deux ans de Ville, je suis cassée », raconte Maria, cinquantenaire, cheffe d’une cantine dans le nord de la ville. En septembre, elle a posé un arrêt maladie. À l’avenir, craint-elle, elle ne pourra peut-être plus le faire, de peur de ne pas toucher sa prime annuelle, qu’elle considère comme un 13e mois et dont une moitié est versée avant Noël. « On l’attend tous, surtout les femmes seules avec des enfants. On a déjà du mal à joindre les deux bouts », confie cette mère de famille, qui touche environ 1800 euros net par mois. 

« Il y a eu des abus, des agents qui s’arrêtent pour un rien, mais il ne fallait pas généraliser », dit-elle à propos de l’absentéisme. Au lieu de conditionner la prime à la présence, « il faut faire des contrôles », estime-t-elle. Un cadre, vingt-sept ans de carrière, estime « qu’une minorité d’agents a porté préjudice à l’image de l’ensemble de l’administration ». Mais selon lui, la réforme va surtout « pénaliser les plus fragiles ». « Qu’on m’enlève ma prime, mes jours de congés, mais qu’on les donne aux plus bas salaires », dit-il. Pas sûr qu’il soit entendu.
 

>> La galère pour les parents

Ce mardi 13 octobre a été une nouvelle journée de galère pour les parents. Crèches, cantines, accueils de loisirs, de nombreux services municipaux étaient encore fortement perturbés par le conflit social. Les situations ont été disparates selon les services : si la grande majorité des cantines (la pause méridienne) ont à nouveau fermé, seuls 6 accueils de loisirs sur 38 n’ont pas ouvert, selon le décompte de la municipalité. Les parents, eux, doivent s’adapter.

À Porte de Paris, à la crèche Pain d’épices, cette mère a par exemple fait le choix d’emmener son enfant uniquement l’après-midi, étant donné que la structure est généralement fermée le midi. En recherche d’un emploi, elle a pu opter pour ce choix, mais d’autres parents, qui travaillent, ont dû trouver d’autres solutions de garde, témoigne-t-elle. Selon les prévisions de la municipalité, la situation devait s’améliorer mercredi 14 octobre. Pour les vacances scolaires de la Toussaint, la Ville prévoit l’ouverture d’une majorité des accueils de loisirs.

À suivre sur le site de la Ville : www.saint-denis.fr

Aziz Oguz

(1) Les noms ont été changés

Réactions

Bonjour Cette situation est l'héritage de l'ancienne municipalité. Cet absentéisme a été volontairement éludé pendant des décennies. Les anciens maires ont attendu d'être au pied du mur pour commencer à ébaucher un début de solution. La GPEC (une vraie) aurait du être lancé depuis des années... mais il fallait densifier. Etre un maire batisseur. Je reprends cette phrase "Un cadre, vingt-sept ans de carrière, estime « qu’une minorité d’agents a porté préjudice à l’image de l’ensemble de l’administration »."... C'est un fait avéré(sources internes à la mairie). Pour certains, l’enchaînement des arrêts est devenu un sport. Le problème, c'est l'effet de masse et la CGT. Il faut dénoncer les abus des uns et des autres. Mais personne ne se mouille. Quand quelqu'un nuit au collectif, il faut qu'il assume ses tords. L'effet de groupe fait qu'on laisse faire quand quelqu'un dérape. Et la CGT était toujours la pour "défendre" l'indéfendable. A coup de menace et de soutiens aux élections. Mais ce temps est désormais révolu. Quand aux chiffres. Ils sont hallucinants (pour ma part). Comment ont peut être attaché aux avantages que la mairie offres à ses agents sans y habiter.... D'après mes calculs, 1386 agents de catégories C habitent la ville. Ce qui est peu. Et je ne pense pas que les majorité des agents des catégories A et B y habitent. Je pense que ceux qui habitent à l'extérieur sont surtout attachés aux avantages et peu par la ville. Sinon, ils y habiteraient. C'est Saint Denis qui offre de bon salaires et avantages pour que d'autres en profite alors que les agents catégories C se coltine Saint Denis... Il serait temps que les hauts salaires de la ville habitent la ville... Un ancien DG (parti à Paris depuis) avait refusé d'habiter gratuitement la ville. C'est dire l'attachement de certains agents à la ville.
Marre du clientélisme du JSD. Mrare de ces grevistes, employés municipaux qui pleurent leurs privilèges, qui parlent de fragilité mais à qui cela ne pose aucun problème de fragiliser les plus pauvres des habitants qui n’ont pas de solution pour leurs enfants. Marre de ces syndicats qui ne respectent pas la loi et se croient tout permis, alors qu’ils représentent une minorité. Marre de cette opposition/ex municipalité qui ne respecte pas le résultat des élections. Marre de cette ville, de sa saleté, de ses trafics .... et pourtant je l’aime. Et courage à Mathieu Hannotin et à son équipe. Il leur faudra beaucoup de courage pour arriver à faire quelque chose. Mais je trouve qu’au moins ils essayent ce qui est déjà beaucoup plus que ce qu’on fait Russier et Bagayoko.