Portrait
Le portrait de la semaine Pierre Marcos/
La voix royale
La voix est grave, presque sourde. Pour se raconter, MC Marcos a lâché le mic et modéré ses ardeurs de speaker goguenard. Deux octaves plus basses qu’à l’habitude, c’est un peu comme si on découvrait Pierre, derrière Marcos.
Pierre raconte sa naissance en 1952 à Saint-Denis. Sa maman dionysienne d’ascendance bretonne, gérante du Paris-Médoc, magasin alimentaire rue des Ursulines. Son papa espagnol, arrivé de Ponferrada (Castille-et-Léon) à l’âge de 11 ans sans parler un mot de français et devenu expert-comptable. « Ce qui me fait souvent dire que je suis un espagnol-breton (1) ! » Chassez Marcos et il revient au galop. Il est badin, coquin, pas du genre ovin et, pourtant, « jeune j’étais quelqu’un de très réservé. »
En retrait, le jeune Pierre ne l’est pas resté longtemps, car c’est une vie de meneur que déroule l’ancien fonctionnaire territorial. Pour la Ville, avant de présider à la destinée de l’Auberge de Saint-Denis, il s’est d’abord occupé des vacances des autres. « J’ai longtemps fait les colonies. J’étais animateur. La Ville avait beaucoup d’équipements à l’époque. » Et de reproduire mentalement la carte de France des centres de vacances dionysiens : Fondettes, Montrem, Daglan, Carsac, Montvalezan, etc. « La Ville organisait plus de 80 000 journées vacances par an, rappelle Pierre non sans fierté. Ces séjours étaient encadrés par des enfants de Saint-Denis, formés exprès. C’était une politique prioritaire pour la collectivité. »
« Le ski était réservé à une élite financière. »
C’est dans ces colonies, ces séjours famille ou ces voyages Casc (comité d’entreprise de la ville qu’il a présidé pendant 15 ans) que Pierre Marcos s’est découvert des talents d’animateur. « J’étais initiateur de ski. D’ailleurs ce diplôme a eu beaucoup d’importance pour moi. » Soudain très ému, les cordes vocales de Pierre se nouent. « À partir de ce moment-là, j’ai pu dire à mes parents que plus jamais ils n’auraient à me payer des vacances à la montagne. Le ski était réservé à une élite financière. La Ville a participé à le démocratiser. À Saint-Denis il y avait une équipe compétition à l’époque, au sein de l’association Ski et montagne. Ils avaient même réussi à faire créer un sautoir artificiel dans le parc de La Courneuve ! »
Le basket-ball d’abord, le ski ensuite, Pierre Marcos aime le sport mais pas encore le tennis de table. Un jour de 1995, le Sdus TT 93 le sollicite. « C’était pour le jubilé Bortoluzzi. Ils avaient fait venir le show Secrétin - Purkart. Je ne connaissais rien au ping-pong. Pour moi c’était des vieux qui jouaient rue Catulienne. » Mais Jean-Claude Mollet, le président « dingue » du tennis de table, comme le décrit en toute amitié Pierre Marcos, réussit à le convaincre. « Mollet voulait donner une autre dimension au club. Il nous a demandé de venir à Maurice-Baquet à chaque match avec Jacky pour faire l’animation. » Jacky Schwartzbart, l’acolyte, disparu subitement il y a quelques années lors d’une Fête de l’Huma et dont Pierre conserve le numéro dans son répertoire. Comme s’il pouvait rappeler son copain dans l’instant, pour se moquer gentiment au micro de « sa chevelure ondulante… de chauve ».
Pierre officie désormais en solo et La Raquette c’est un peu devenu chez lui. « Je mets ma musique. Il faut que ça me plaise et que ça bouge, affirme celui qui prend sa licence au Sdus TT 93 alors qu’il ne joue pas. En deuxième partie de match, je passe toujours du rock. Il faut se faire plaisir. Et puis ça donne du rythme. Au tennis de table on a un public difficile à bouger et à fidéliser. Sur certaines présentations de match, quand je me sens un peu seul, au lieu de demander au public d’applaudir les joueurs, je demande à ces derniers d’applaudir le public. »
Pierre Marcos est à son aise au micro, parfois même trop. « Je peux être ingérable et dire des conneries. » Difficile aussi de couper le sifflet d’un speaker quand il est lancé. « Je t’ai dit que j’avais commenté la Voie royale cette année ? On ne t’a pas vu… Mais je comprends, tu ne peux pas être partout.» Pierre Marcos incorrigible taquin.
Yann Lalande
- Analogie avec l’épagneul-breton, chien de chasse.
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