Cultures
Expo de rue/
La vieillesse a de la gueule
Le centre-ville va prendre un coup de jeune, avec des vieux. Samedi 30 septembre, de la place du Caquet à la salle de la Légion d’honneur, et même jusqu’au pont-passerelle de la Gare, 365 posters seront collés. Formats identiques pour tous (130x90), avec au centre de chacun un visage travaillé par le temps et dupliqué trois fois dans des attitudes différentes. Regarde moi est le nom de cette exposition éphémère menée de main de maître par les Petits frères des pauvres, l’association Photographie et partage, avec l’appui stratégique de la Maison des seniors. Ces gueules d’anciens, en majorité d’anciennes tant l’écart d’espérance de vie entre les sexes reste patent, ont toutes été cadrées par Herbert Ejzenberg dans l’esprit du photographe JR et avec le label Inside out du célèbre photographe.
L’année dernière, Ejzenberg avait déjà livré, sur les murs de la médiathèque Centre-ville, une série d’images profondément humaines des duos que forment les bénévoles aidants des Petits frères et leurs aidé(e)s souvent meurtris par la vie. Cette fois, l’association se met hors les murs et dépasse aussi son cadre ordinaire pour s’ouvrir au troisième âge dionysien dans sa diversité. Sur les 123 photographiés, seuls 12 sont accompagnés par l’association non confessionnelle et reconnue d’utilité publique. Le studio itinérant a fait étape dans la maison de retraite Basilique, à l’hôpital Casanova, à la Maison des seniors, au foyer Adoma de l’avenue Romain-Roland et sur le marché, sans oublier bien sûr les locaux de l’asso. La coiffure et le maquillage de ces messieurs-dames métamorphosent des aînés que nos sociétés zappent sans vergogne. Cette opération de street-art réintègre la vieillesse et l’affiche, quand la tendance est plutôt à la cacher.
Regarde moi, titre limpide de justesse, a été trouvé par Aline, une « aidée » des Petits frères. « Le projet a tout de suite rencontré l’enthousiasme », explique Jean-Baptiste Williatte, le responsable local. « Ça fait plaisir de savoir que je vais être affichée et que les gens me regardent et voient qu’il y a des vieux qui sont encore capables d’être dans le mouvement », dit une photographiée. « C’est un projet qui est là pour sensibiliser à regarder l’autre, à regarder l’étranger, à regarder le faible, à regarder l’orphelin et que tous d’un même regard on puisse avancer », résume une autre. Même le virtuose trompettiste Ibrahim Maalouf y a mis sa touche : « On a réalisé un petit montage vidéo pour lequel on voulait utiliser une de ses musiques. On lui a demandé l’autorisation. En plus de donner son accord et de trouver le projet très beau, il nous a suggéré de prendre un morceau moins triste de son répertoire et nous a conseillé le titre Lily will soon be a woman », raconte Herbert qui n’en revient toujours pas.
Samedi 30 septembre, en début d’après-midi, les colleurs seront à l’œuvre. Ceux des Petits frères, mais pas seulement. D’autres associations mettront la main à la pâte et les CE1 de Langevin ne seront pas loin. L’initiative s’inscrit dans le cadre de la Semaine bleue et se réalise avec la Ville qui « nous a soutenu à mort et sans qui on n’aurait pas pu y arriver ! », s’enthousiasme Jean-Baptiste Williatte. L’événement, qui sera répété le 7 octobre, s’inscrit aussi comme un hommage à Philippe Valin : l’animateur de la Maison des seniors était emballé par le projet, mais la maladie l’a fauché avant qu’il ne soit concrétisé.
Dominique Sanchez
Les Petits frères des pauvres recherchent les bonnes volontés pour renforcer l’équipe. Contact : Jean-Baptiste Williatte au 07 63 30 13 59.