En ville

Journée mondiale du refus de la misère
/ La pauvreté explose

Les associations caritatives du territoire tirent la sonnette d’alarme. Alors qu’a eu lieu le 17 octobre la Journée mondiale du refus de la misère, l’aide alimentaire n’a jamais été aussi importante depuis le début de la crise sanitaire.
La semaine dernière, à la Maison de la solidarité, des bénéficiaires du Secours populaire font la queue pour recevoir un colis alimentaire. © Yann Mambert
La semaine dernière, à la Maison de la solidarité, des bénéficiaires du Secours populaire font la queue pour recevoir un colis alimentaire. © Yann Mambert

La situation est « alarmante », « critique », « très inquiétante ». En première ligne sur le terrain pour aider les plus précaires, les associations caritatives sont unanimes. Depuis le début de la crise sanitaire, les demandes affluent. À Saint-Denis, de plus en plus de familles sont en difficulté. De nouveaux précaires frappent aux portes : étudiants, intérimaires, travailleurs en fin de contrat, chômeurs. Cette hausse spectaculaire se vérifie dans les chiffres de l’aide alimentaire.

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« Fin 2019, on avait en moyenne 280 000 bénéficiaires. Pour cette année, on estime que l’augmentation sera de l’ordre de 20 à 25%, soit environ 70000 personnes », indique Nicole Farlotti, présidente de la Banque alimentaire Paris et Île-de-France (Bapif). Fonctionnant comme un grossiste, la Bapif fournit quelque 320 structures en région parisienne, comme la Croix-Rouge, le Secours catholique, Emmaüs ou de plus petites associations indépendantes. Par rapport au confinement, où il y a eu un pic d’activité, la pression a baissé, mais les besoins restent à un niveau élevé. Pour l’instant, la Bapif a suffisamment de stocks pour répondre à la demande, mais l’incertitude règne à moyen terme.

« On pourrait manquer de denrées d’ici quelques mois. On ne sait pas où l’on va », dit la responsable, inquiète pour la grande collecte de la Banque alimentaire, organisée du 27 au 29 novembre dans les supermarchés. Cette opération nationale permet de récolter un tiers des approvisionnements de l’année. « Notre crainte, c’est de manquer de bénévoles et d’avoir moins de donateurs dans les magasins à cause de la crise sanitaire. »

« À la fin du mois, le frigo était vide »

« L’épidémie a aggravé la situation, confirme Philippe Portmann, secrétaire général du Secours populaire de Seine-Saint-Denis. Entre mars et début septembre, on a distribué 170 tonnes d’aide alimentaire dans le département. Soit 47000 bénéficiaires, contre 27000 pour toute l’année dernière.» D’après ces chiffres partiels, la demande a ainsi augmenté de 75 % en Seine-Saint-Denis, contre 45 % en moyenne en France. Si cette tendance se poursuit jusqu’à décembre, l’aide alimentaire aura « plus que doublé » par rapport à 2019, estime M. Portmann.

« Aujourd’hui, on entre dans une nouvelle phase. Notre crainte, c’est de voir venir des salariés qui perdent leur boulot, en plus de ceux que l’on accueille déjà depuis plusieurs mois. » Selon les remontées des travailleurs de son service, « le confinement a frappé deux types de profils, explique Luc Lambert, responsable du pôle social de Saint-Denis. D’un côté, il y a les personnes avec des contrats précaires (CDD, intérimaires) qui ont perdu leur emploi. De l’autre, les personnes qui travaillaient dans l’économie informelle, au noir, dont l’activité s’est complètement effondrée. Ce sont pour beaucoup des sans-papiers. Et ces derniers mois, on voit de plus en plus de gens dont le chômage partiel diminue ou s’arrête ».

« On voit plus de familles »

En ce jour d’octobre, à la Maison de la solidarité, dans le nord de la ville, le Secours populaire distribue des colis alimentaires à une soixantaine de foyers. Ces bénéficiaires ont été acceptés sur dossier, selon des critères sociaux. « C’est notre capacité d’accueil maximum », justifie Joëlle Roeye. Dans la file, Saleha, 51 ans, vient pour la première fois. « En septembre, à la fin du mois, le frigo était vide. On était à sec », raconte cette mère de famille, sans emploi depuis l’année dernière. Son mari, travailleur dans le bâtiment, a perdu son emploi en avril. Avec une adolescente à charge, ils cumulent quelque 800 € de RSA. Après avoir payé toutes les charges, « il ne nous reste plus que 200€ pour faire les courses. On vit au jour le jour ».

Samira, 48 ans, est aidée depuis l’année dernière. « C’est dur pour tout le monde. On essaye tous de s’en sortir », raconte cette mère célibataire de deux adolescentes, vacataire le midi dans une école à Saint-Denis qui cumule RSA et activité partielle. D’autres bénéficiaires disent ne plus trouver d’emploi depuis le confinement. Partout, les voyants sont au rouge. Toujours à la Maison de la solidarité, l’activité de distribution de colis alimentaires des Restos du Cœur, l’une des plus importantes du département, tourne aussi à plein régime. Pour sa campagne d’été, le nombre d’inscrits est passé à 1 167 foyers, représentant 3 000 personnes, contre 774 pour l’été 2019, soit une hausse de 51%.

« On s’attend à une nette augmentation pour la campagne hivernale », craint Rolland Perrot, coresponsable du centre dionysien. Au Secours islamique, basé à Pleyel, c’est le même constat. « La situation est très inquiétante.

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L’épidémie, et donc la crise, sont amenées à durer. Cela va aller de pire en pire, estime Fatoumata Magassa, en charge de l’épicerie solidaire de l’association. On a vu de nouveaux précaires. » Elle s’inquiète « en particulier » pour les étudiants. Déjà saturée avec la crise, l’épicerie solidaire comptabilise début octobre quelque 120 bénéficiaires, dont de nombreuses familles avec enfants, soit 30% de plus qu’avant la crise sanitaire. En parallèle, le Secours islamique fait aussi trois maraudes par semaine en Seine-Saint-Denis auprès des sans domicile fixe. Ces derniers temps, « on voit plus de familles, plus de femmes seules avec enfants, parfois en bas âge », témoigne Rachid El Aissaoui, travailleur social, chargé des maraudes.

« Les centres d’hébergements sont saturés », explique-t-il. « La situation de l’hébergement social est catastrophique », confirme Jean-Paul Bertrand, président de l’unité local de la Croix-Rouge. Depuis le confinement, l’association a mis en place une deuxième maraude dans le département. Quant à l’aide alimentaire, la Croix-Rouge soutient à peu près 120 familles par semaine dans son local basé à la cité Langevin, contre 80 avant l’épidémie.

Pendant le confinement, c’était « pire », avec en moyenne 350 foyers aidés. « Cela s’est stabilisé depuis un ou deux mois, mais on a l’impression que cela reprend, s’alarme Jean-Paul Bertrand. Il y a urgence. Les gens sont dans la mouise. » « Et malheureusement, résume Jöelle Roeye du Secours populaire, la situation ne va pas aller en s’arrangeant. » 
 

Aziz Oguz

Réactions

Beaucoup de familles de Seine-Saint-Denis ont des revenus dépendant du trafic aérien et un/des travail dépendant de l'activité des aéroports de Roissy et du Bourget. Sans trafic aérien pas de travail pas de rentrée d'argent. Les écologistes d'Alternatiba et de d'ANV-Cop21 ayant découpé une clôture du terminal 2A et tenté d'accéder aux pistes de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle samedi 3 octobre 2020 semblent des irresponsables. Bravo à la Police Nationale de les avoir bloqué. Grâce aux forces de l'ordre le trafic aérien n'a pas été perturbé. Bravo à Aéroports de Paris d'étendre le terminal T4 pour doter celui-ci d'une capacité de 40 millions de passagers. Le tourisme c'est la rencontre des cultures. Le tourisme c'est le contraire de la guerre. Le tourisme fait reculer la pauvreté.