Portrait

Sabine Vincent-Daumas
/ La création impertinente

Créatrice. Cette graphiste et conceptrice d’objets à messages ironiques fantaisistes, avec sa marque De Carton et d’Étoiles, est également une graine de militante écologiste et féministe.
Sabine Vincent-Daumas, créatrice. © Yann Mambert
Sabine Vincent-Daumas, créatrice. © Yann Mambert

Cheveux courts bleus, débardeur aux motifs multicolores, la graphiste Sabine Vincent-Daumas définit son style de « coloré, avec un grain de folie ». Elle nous accueille dans le jardin de sa petite maison rouge, située dans le quartier Bel-Air. Cette Dionysienne de 43 ans habite Saint-Denis depuis treize ans.

« On cherchait une ville limitrophe de Paris après la naissance de notre premier enfant. Saint-Denis a une vraie vie de centre-ville, active, et regorge d’initiatives positives », apprécie cette ancienne Parisienne, qui a grandi en Seine-et-Marne. Sabine apporte elle aussi sa part à l’édifice créatif de la ville, avec sa marque De Carton et d’Étoiles, lancée en 2014. « Ranafout », « Dans ton cul », « Salut les cons », « Castratrice en cheffe »… Peut-être avez-vous déjà été interpellés à une foire ou un marché créatif par l’un de ses produits détournant des insultes avec talent ?

« J’aime créer des objets à messages impertinents, avec du second degré. J’ai commencé avec de la papeterie, puis continué avec des broches, des mugs, des boucles d’oreilles… Les enfants viennent beaucoup dans mon stand, mes créations amusent, interrogent, créent des discussions », constate-telle. De Carton et d’Étoiles, c’est la « récréation » de Sabine : « J’y mets tout ce que je veux. Il y a beaucoup de brainstorming avec mes proches. J’aime créer des décalages ironiques avec des expressions un peu horribles et des visuels, comme avec le mug où le slogan “va mourir” est noté sur un grand cœur rouge. »

Éco-responsable

La créatrice, ancienne assistante de direction, s’est lancée dans cette aventure à 37 ans, en suivant une formation avec l’organisme Marcorel pour se reconvertir dans le graphisme après la naissance de son troisième enfant. Sabine partage son activité de free-lance créative entre sa marque d’objets et son studio de création graphique (logos, communication visuelle…). « Je travaille essentiellement pour des artisans et des petites entreprises. Je préfère ce type de relations, plus proche, qui permet notamment plus de réactivité. » Elle aime le côté « créatif » de son métier, mais aussi de bricoleuse à l’écran. « Et je ne fais jamais la même chose tous les jours », souligne-t-elle. Un fossé avec son premier métier.

Depuis qu’elle connaît un certain succès avec ses produits, Sabine se pose aussi des questions par rapport à l’impact de son activité sur la planète. « Je crée une logique de consommation que j’essaie moi-même de réduire dans ma propre vie. C’est un paradoxe que j’aimerais réduire, alors je m’applique de plus en plus à rendre ma marque éco-responsable, en recyclant des matières, comme pour les broches, et bientôt le textile. J’aime bien expliquer aux clients le parcours de chaque produit. » Une démarche qui permet aussi « de garder des prix accessibles à toutes les bourses ».

Girls to the Front

Inscrite à une coopérative alimentaire, Sabine essaie aussi de mettre plus d’écologie dans sa vie personnelle. Elle a notamment participé au collectif de La Denise verte, monté à l’été 2019 pendant la campagne des municipales, pour que l’écologie soit prise en compte dans les programmes. « Je n’avais pas envie d’un engagement politique, donc cela me plaisait que cela soit un mouvement d’actions. L’idée était de rendre plus verte la ville, en se mobilisant autour d’actions de communication festives. » Le collectif a cessé son activité, mais Sabine s’est trouvé un autre engagement : elle est devenue, depuis le confinement, coopératrice associative au tiers-lieu Pointcarré, où elle fabrique la plupart de ses objets, qu’elle vend également à la boutique. L’un des slogans préférés de Sabine, c’est aussi « girls to the front » (les filles devant).

« C’est un slogan de punkettes pendant les années 1990 qui en avaient marre que les hommes se mettent toujours devant dans les concerts. » C’est aussi la ligne directive d’un groupe qu’elle a formé avec son mari et une chanteuse : Panty Panty. « L’idée est de mettre les deux femmes au premier plan, même si avec le départ de la chanteuse nous allons revoir la configuration avec mon mari, et je vais me mettre au chant en plus de la basse. Nous chantons des compositions originales, surtout en anglais, un univers punk un peu décalé, avec notamment des chansons féministes qui parlent de harcèlement ou des femmes qui reprennent le pouvoir par exemple », décrit-elle. Féministe, Sabine n’est pas une militante active, mais participe à sa manière avec ses produits et projets, comme la collaboration graphique avec Coline Charpentier, avec son compte Instagram « T’as pensé à… » sur la charge mentale.

« J’ai enfoui beaucoup de choses pendant des années, que cela soit le sexisme au travail ou les agressions dans le métro. Maintenant que je suis mère, j’aimerais participer à l’élaboration d’un monde où mes filles ne seront pas traitées différemment de mon fils »

Delphine Dauvergne
 

www.decartonetdetoiles.fr