Portrait
Massita Albert/
L’animatrice aux fourneaux
L’après-midi vient à peine de commencer et le calme règne à la cité Joliot-Curie. Au loin, apparaît d’un pas rapide et élancé Massita, accompagnée de son mari. Tout juste sorti d’un rendez-vous important amorçant la création de leur entreprise culinaire, le couple nous rejoint devant l’espace jeunesse du quartier, lieu de travail de l’animatrice.
Maman de quatre enfants et aînée d’une fratrie de dix issue de parents immigrés du Mali dans les années 1960, Massita est née à Saint-Denis en 1982 et a grandi à Joliot-Curie. C’est d’ailleurs ici qu’elle a fait la connaissance de son époux, originaire de la cité également. Femme de caractère, elle est une pile électrique humaine. À l’image de son passé d’athlète, elle n’arrête pas de courir. À l’espace jeunesse, l’animatrice gère cinquante jeunes. Avec eux, elle a remis l’autorité et le respect des consignes au goût du jour. Une mission réussie qui s’est conclue récemment par la victoire symbolique des jeunes filles, dont elle s’occupe, au concours de danse organisé par la Ville pour la Fête de la Musique. Dorénavant, la voici concentrée sur le volet animation de l’action « Bel été à Saint-Denis » portée par la municipalité.
La main à la pâte
C’est par le biais de sa passion culinaire que Massita donne la majeure partie de son temps. Un goût hérité de sa maman Koumba. « Je suis chef de projet de Cuisine Sucrésalémaschi au sein de l’association Les Anciens de Saint-Denis », détaille la cuisinière spécialisée dans les plats africains. Son objectif, comme évoqué plus haut, est de devenir « son propre patron » et « vivre de sa passion », mais pas seulement… « Je le fais aussi car je suis beaucoup demandée, que ce soit à Joliot-Curie ou ailleurs dans la ville. »
Son talent culinaire reconnu l’a amené à apporter son savoir-faire lors de divers événements dionysiens : finale de la CAN, Enlève tes bretelles à Porte de Paris, Bal des collégiens… « J’ai honoré 2 500 commandes ! Je ne peux que les remercier de leur confiance », déclare une Massita reconnaissante. Avec son appétence pour la solidarité, l’animatrice n’hésite pas à aider. Elle qui a dû travailler dès l’âge de 14 ans comme poissonnière au marché de Saint-Denis pour soutenir ses parents. « C’est quelque chose qui me touche vraiment. Étant jeune, ma famille a été aidée et accompagnée lors de nos difficultés pour notre logement. Du coup, j’ai eu envie d’aider à mon tour. »
Depuis deux ans, elle effectue des maraudes aux portes de la Villette et d’Aubervilliers ainsi qu’au niveau de l’hôpital Delafontaine afin d’apporter des repas aux démunis et d’échanger un moment privilégié avec eux. « Nous sommes des habitants mais soyons acteurs également », exprime-t-elle avec un ton fédérateur. Ainsi, à l’arrivée de l’épidémie du Covid-19, elle met son bleu de chauffe et agit pour les résidents du quartier. Parmi toutes ses actions, celle qui retient l’attention est la distribution alimentaire qu’elle a effectuée aux côtés de trois bénévoles pendant 68 jours non-stop devant l’espace jeunesse. « Au début de la crise, je préparais des repas pour les hôtels et les hôpitaux Casanova et Delafontaine. Puis des habitants du quartier sont venus frapper à ma porte », raconte Massita. À l’écoute des difficultés, elle distribue des denrées à 200 personnes chaque jour en veillant à respecter les mesures sanitaires. Sans subvention et afin d’obtenir des provisions, elle est soutenue par les associations Dessine-moi Pleyel et la Petite Liberté, mais aussi par Marko Baliwest, un homme qui a apporté quotidiennement fruits et légumes. Sans oublier les magasins Carrefour, G20 ou Food Hallal pour les dons.
Enjouée, elle remercie chaleureusement ses partenaires, ses parents et ses proches pour leur indéfectible soutien avant que l’émotion ne l’envahisse lorsqu’elle évoque son avenir. Sa famille lui a obtenu un food truck qui lui permettra d’organiser le « café du dimanche » à destination des seniors.
Début 2021, avec le soutien de Dessine-moi Pleyel, elle lancera son épicerie solidaire dans la cité. Deux projets qui lui tenaient à cœur. Difficile d’être exhaustif sur Massita, tant ses actions sont nombreuses. Un livre serait nécessaire ! Nous aurions pu évoquer davantage sa participation au « Clean challenge » avec les habitants et les gardiens de Joliot-Curie, sa volonté de revitaliser la fabrique du potager avec les jeunes et de se réapproprier le coin barbecue pour les seniors ainsi que les terrains de basket et de tennis du quartier. Massita donne tout ce qu’elle peut et, comme elle le résume : « J’aime mon quartier et j’aime ma ville ! » Sa route est tracée.
Christopher Dyvrande