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Paris 8 /
L’aide alimentaire s’organise pour les étudiants précaires
Ce mercredi 6 mai, ils sont plusieurs dizaines d’étudiants à faire la queue sur la place à la sortie du métro en face de l’université Paris 8. En file indienne, ils défilent les uns après les autres pour remplir leurs sacs et leurs chariots de vivres essentiels : pâtes, boites de conserves, huile, farine, lait, compotes de fruits, café, confiture… Des plats préparés sous emballage sont aussi distribués. Ce jour, il y a en plus des fruits et légumes frais. Les étudiants peuvent aussi se fournir de shampoing, dentifrice ou encore de serviettes hygiéniques.
« Avec un colis alimentaire, il y a de quoi tenir deux semaines », explique Sophie Lapoix, étudiante et militante au syndicat Solidaires. Suite au confinement et la fermeture de l’université, un réseau de solidarité a été mis en place par des militants de Solidaires, du Réseau université sans frontières (RUSF) et de l’antenne du Secours populaire de Paris 8, rejoints par d’autres étudiants et professeurs.
Depuis le 17 avril, ils ont déjà organisé quatre distributions. Quand ils ont ouvert les inscriptions à l’aide alimentaire, ils ont été submergés par le nombre de demandes. « En moins de 5 jours, nous avons reçu plus de 700 mails d’étudiant-es, ayant tou-tes des difficultés pour s’acheter de quoi manger et des demandes continuent d’affluer chaque jour depuis », a tiré la sonnette d’alarme le Collectif Solidarité Etudiante de Paris 8.
« Pas d’argent, pas de nourriture »
« Pour aujourd’hui [6 mai], on a prévu 150 colis », raconte Kab Niang, étudiant et responsable de l’antenne du Secours populaire à Paris 8. Certains colis sont aussi livrés à domicile pour les étudiants qui ne peuvent pas se déplacer. « La situation est difficile. Beaucoup d’étudiants se sont retrouvés sans boulot. Certains – comme les étrangers – n’ont pas d’aides », souligne-t-il. Dans un article écrit pour le Bondy Blog, il résume la situation : « Considérable tout au long de l’année, la précarité économique des étudiants en France a été dangereusement aggravée par la crise sanitaire. Pour ces étudiants, l’équation est simple : plus de travail, pas d’argent, pas de nourriture et peut-être le risque de perdre son logement dans les prochains mois. »
« La situation était déjà dramatique à Paris 8. L'urgence provoquée par la crise a fait crever l’abcès », rajoute Julien Villain, bénévole au Secours populaire, qui voit l’arrivée de nouveaux étudiants qui pour beaucoup ont perdu leur job à cause du confinement.
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Sans emploi depuis la crise sanitaire, une étudiante qui vit en résidence universitaire raconte qu’elle a un loyer de 520 euros à payer, alors qu’elle a seulement une aide au logement de 130 euros.
Pour faire face à cette urgence, la solidarité permet de pallier les carences des institutions. Lancée pour soutenir les distributions alimentaires aux étudiants de Paris 8, une cagnotte en ligne a permis à ce jour de réunir plus de 50 000 euros. Ces fonds alimenteront l’achat de produits de premières nécessités. D’autant qu’au vu de la situation, l’initiative est appelée à durer jusqu’à fin juin, au rythme d’une distribution par semaine, précise Kab Niang.
Le Collectif solidarité étudiante appelle « les universités, les Crous [centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires] et les différentes institutions » à saisir « réellement de cette urgence ». Lundi 3 mai, le gouvernement a annoncé que 800 000 étudiants et jeunes précaires bénéficieraient d’une aide de 200 euros. Cette allocation ponctuelle est néanmoins jugée insuffisante par les organisations étudiantes. Quant à l'université Paris 8, elle a mis en place une aide sociale d'urgences pour ses étudiants avec la possibilité de bénéficier, sur dossier, d'un bon d’achat alimentaire dématérialisé et d'une aide financière par virement. Les élèves peuvent aussi faire une demande de remboursement des frais de scolarité, accordée à certaines conditions.
Pendant ce temps, au Secours populaire, « on est déjà entrain d’entamer les fins de stock de 2020 », alerte Julien Villain. Pour l’instant, la solidarité permet de tenir mais pour encore combien de temps ?
Aziz Oguz
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lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
12 mai 2020