En ville
Conseil municipal /
Hanotin déploie son plan sécuritaire
Jeudi 10 septembre, s’est tenu un conseil municipal spécial, « extraordinaire » selon le maire Mathieu Hanotin (PS), consacré à la sécurité. À l’issue d’une séance bouclée en moins de trois heures, la nouvelle majorité socialiste a acté la création de 27 postes à la tranquillité publique, dont 26 policiers municipaux supplémentaires, l’équipement en armes à feu et en flash-ball de ses effectifs, l’extension des horaires de nuit, la création d’une brigade canine ou encore celle d’un centre de supervision urbain avec à terme l’installation de nouvelles caméras. Dans l’hémicycle et en dehors de l’hôtel de ville, l’opposition, des associations et des syndicats ont dénoncé une « dérive sécuritaire ».
Fin du « laisser-aller »
Cette nouvelle politique est pleinement assumée par M. Hanotin. « Il y a une urgence absolue à agir », a prévenu d’emblée l’élu. Son mot d’ordre : « reconquérir l’espace public ». « Occupations illégitimes, nuisances sonore, comportements routiers dangereux, alcool, chicha sur la voie publique, étals sauvages, vente à la sauvette, deal, énumère-t-il. Toutes ces pratiques viennent mordre, empiéter notre vivre ensemble. » « Le laisser-faire, le laisser-aller, l’abandon, le tout est permis à Saint-Denis, qui existait jusqu’ici, n’a plus lieu d’être », a justifié l’ancien directeur de campagne de Benoît Hamon à la présidentielle de 2017.
Se posant en garant de « l’ordre républicain », le socialiste s’est défendu de tout procès en « autoritarisme ». « La gauche a trop souvent mis de côté la question [de la sécurité] laissant le terrain à la droite et aux extrêmes. Pour ma part, je suis pour une gauche qui se confronte à la réalité », a-t-il assumé. Selon lui, c’est « la condition sine qua non » pour faire de Saint-Denis une ville « sociale, écologique et équilibrée ».
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Pour enfoncer le clou, la majorité a adopté un vœu pour que la Ville se porte candidate à l’extension des compétences de la police municipale (PM), proposée en juillet dernier par le Premier ministre Jean Castex. Cela permettrait à la PM « dans un avenir proche » de lutter contre « les vrais problèmes vécus à Saint-Denis, en particulier sur la question de la lutte contre le trafic de drogue » avec la possibilité, par exemple, de verbaliser les consommateurs, a avancé l’édile socialiste.
Pour l’ancien maire Laurent Russier (PCF), désormais dans l’opposition, son successeur répond « aux sirènes du tout sécuritaire ». Ce paquet de mesures « vise en fait à transformer la police municipale en seconde police d’intervention, qui se substituerait bien souvent à la police nationale, mais sans avoir – et c’est là où il y tromperie – les liens avec le parquet », critique-t-il. D’après lui, cette politique accompagne le « désengagement » de l’État.
Pas de chiffrage budgétaire
D’une manière générale, l’opposition a souligné à plusieurs reprises l’absence de chiffrage budgétaire des délibérations sur la sécurité, que le maire a promis de présenter lors d’un prochain conseil municipal en octobre. Ce conseil s’apparente plus « à une séance de communication », a fustigé Laurent Russier. L’opposition a tiré à boulets rouges sur l’équipement de la police municipale en armes létales. « Des armes qui tuent », a insisté l’élue Zaïa Boughilas (EELV). Elles ne serviront pas « seulement à dissuader », a-t-elle lancé à Nathalie Voralek, maire adjointe à la tranquillité publique. Cette dernière a souligné que « 53% des policiers municipaux en France sont équipés d’une arme de poing », arguant que l’usage que de ces armes sera extrêmement réglementée.
Ce qui n’a pas convaincu Me. Boughilas qui refuse de donner « le droit de vie et de mort » aux policiers municipaux. « La police nationale est équipée de ces armes et on a pu observer que cela ne dissuadait en rien les actes délictueux », a-t-elle argumenté.
Sophie Rigard (Place Publique) a démonté cette « escalade » de l’armement. « En quoi un pistolet 9mm ou un flash-ball sera utile à un policier municipal face aux incivilités ? À un attroupement bruyant ? Un regroupement de personnes alcoolisées ? [Contre] les vendeurs à la sauvette ? Les dépôts sauvages ? Ce n’est pas sérieux », a fustigé la jeune élue. Selon elle, cela va surtout « accentuer les tensions » avec la population. Elle s’est étonnée que M. Hanotin oublie de prendre en compte les dérives et les bavures des forces de l’ordre. « On a l’impression que les violences policières, c’est partout en France, sauf à Saint-Denis [comme] le nuage de Tchernobyl », a-t-elle ironisé.
« Politique de faits divers »
L’opposition a aussi demandé des précisions sur le flash-ball, dont la mention a été supprimée dans le rapport final sur l’armement présenté au conseil municipal. Un rétropédalage que le maire a eu du mal à expliquer. « Je ne souhaite pas exclure la possibilité d’avoir recours un jour effectivement à l’usage du flash-ball », a finalement concédé M. Hanotin. Il a justifié l’armement létal en avançant la multiplication de situations dangereuses auxquelles doivent faire face les policiers. « J’aimerais vivre dans un monde sans armes, mais force est de constater que ce n’est pas une réalité », a-t-il expliqué, en ajoutant : « Je l’assume : la police doit protéger les innocents. »
Pour l’élu David Proult (PCF), cela illustre la « contradiction » de M. Hanotin entre « [ses] discours et [ses] actes. Vous dites “je ne suis pas pour les armes, mais j’arme la police municipale. […] Je suis pour une sécurité équilibrée mais je ne présente que des délibérations qui arment et qui renforcent les moyens sécuritaires. Je ne souhaite pas le flash-ball, mais je vous demande de l’autoriser” », a raillé l’élu, fustigeant cette position du « je ne suis pas pour mais ».
Plus offensive, Sophie Rigard a accusé le maire socialiste de « faire de la politique de faits divers ». « Vous alimentez la peur pour rendre populaires vos mesures, s’est-elle indignée. Vous avez été élu avec les voix de la droite. Et ça se voit. Ce n’est pas parce que la droite à Saint-Denis est moribonde qu’il faut utiliser ses ressorts », a-t-elle lancé à M. Hanotin. Goguenard, le socialiste a répondu qu’il ne rappellera pas les résultats des élections municipales où – sur fond d’abstention record – il a été largement élu avec 59% des voix.
Aziz Oguz
Armement de la police : une « dérive » dénoncée par les opposantsIls ne veulent pas de la nouvelle police municipale (PM) promue par Mathieu Hanotin. Ce 10 septembre, environ 200 personnes ont protesté contre « la dérive sécuritaire » du nouveau maire socialiste, à l’appel de plusieurs syndicats, associations et partis politiques locaux, allant de Sud-Solidaires à la CGT, du Mouvement pour la paix et contre le racisme à la Ligue des droits de l’homme en passant par le Parti communiste, le NPA et la France insoumise. C’est une logique « électoraliste » et « dangereuse », dénonce Simon Duteil, professeur d’histoire-géo et militant à Sud-Solidaires. « On sait bien qu’on est dans une ville difficile. Mais ce n’est pas en armant la police municipale que l’on va régler les problèmes. On a besoin de plus de présence humaine, d’éducateurs, de services publics, etc. », regrette-t-il. « Ce qui est terrible, c’est d’attaquer un mandat de cette manière pour un maire soi-disant de gauche. Les mesures sont dignes de Gérald Darmanin [l’actuel ministre de l’Intérieur], voire de l’extrême droite », s’indigne Jean-Jacques Clément, bénévole à Solidarité Migrants Wilson. Pour Marie Huiban, militante du Droit au logement, cette « escalade sécuritaire » va s’abattre « toujours sur les mêmes : les sans-papiers, les sans-abri, les habitants des quartiers. Le maire devrait avoir d’autres urgences comme celle de réquisitionner des logements vides », déplore t-elle. Pour le député insoumis Éric Coquerel, M. Hanotin prend « des mesures de droite pour nourrir un électorat de droite qu’il l’a élu ». Il critique cette politique de « surarmement » qui éloigne la police municipale de ses missions de prévention. Une décision « scandaleuse » et « inefficace », selon lui. AO. |
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