Cet été, Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, et Mehdi Idir ont tourné leur deuxième long-métrage, « La Vie scolaire », à Franc-Moisin et au collège Garcia-Lorca avec la participation de nombreux jeunes du quartier.
film La Vie scolaire, dont l’acteur principal Liam Pierron (au centre, en bleu).
Ils sont inséparables. Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, et Mehdi Idir tournent depuis cet été et jusqu’à la fin de la semaine leur deuxième long-métrage, La Vie scolaire, au collège Garcia-Lorca dans le quartier Franc-Moisin. Sorti en 2017, leur premier film, Patients, a été un véritable succès critique et public avec environ 1 300 000 entrées. Si ce dernier était inspiré de la vie du slameur, jeune sportif qui a perdu l’usage de ses jambes après un accident, La Vie scolaire est nourrie par le parcours de Mehdi Idir. Lui, le gamin de Franc-Moisin, a voulu tourner dans son établissement d’origine.
Le film réunit quelques têtes d’affiche comme les humoristes Alban Ivanov, Nadia Roz ou Redouane Bougheraba. Mais la plupart des figurants viennent du quartier, ainsi que certains rôles importants. Âgé de 17 ans, Mory Camara a été repéré lors d’un casting à l’antenne jeunesse au printemps. Ce jeune en bac pro « accueil » à Suger n’aurait jamais eu l’idée de jouer dans un film. « J’ai hésité au début, je me suis dit que ce n’était pas pour moi, raconte-t-il. J’ai aimé jouer. C’était le feu. » Cette expérience lui a donné l’idée de continuer et pourquoi pas de devenir acteur. Fabien et Mehdi reviennent sur le tournage.
LeJSD : On imagine que c’était important pour vous de tourner à Garcia-Lorca.
Mehdi Idir : Moi, j’ai vécu à Franc-Moisin de 0 à 23 ans. J’ai été au collège ici. Quand on a commencé à écrire le film, j’ai tout de suite eu des images en tête. J’imaginais les scènes, et tout se passait dans ce collège. On a donc naturellement voulu y tourner.
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Fabien Marsaud : On voulait tourner en REP (Réseau d’éducation prioritaire) dans un collège d’une ville populaire. On savait qu’on allait tourner à Saint-Denis. Moi, j’étais au collège République. C’est aujourd’hui l’école Jean-Vilar [à côté de la médiathèque Centre-ville]. C’était un collège dans un état pitoyable, le pire du coin. Il était situé rue des Boucheries. Du coup, tout le monde l’appelait collège Boucherie. On ne savait même pas qu’il s’appelait République! Il a fermé à la fin des années 1980. J’ai ensuite fait ma 4e et 3e à Elsa-Triolet. En tout cas, on a tous les deux grandi à Saint-Denis. C’était évident qu’on allait faire le film ici. On a directement pensé à Garcia-Lorca. C’était important que le collège soit au cœur d’une cité. Juste en face, il y a Franc-Moisin.
LeJSD : Comment s’est passée la connexion avec l’établissement ?
FM : On a contacté la proviseure. Elle avait un a priori positif mais elle voulait d’abord lire le scénario pour éviter toute stigmatisation du collège et du quartier. Elle a validé le projet. On a ensuite demandé toutes les autorisations. On a commencé le tournage le 23 juillet, cinq semaines au collège et deux dans le quartier. Le film est en préparation depuis bien plus longtemps. Le scénario est écrit depuis plus d’un an. On a commencé le casting en mars, les repérages au printemps. Avec Mehdi, on est aussi venu rencontrer les gens, les associations comme les Femmes de Franc-Moisin.
LeJSD : C’était important d’impliquer les habitants ?
FM : Il était évident que l’on n’allait pas venir avec une grosse caméra, faire le tournage et se barrer. Notre but, c’est de parler de ce collège et de Franc-Moisin. Il fallait donc intégrer le quartier au projet. Et la meilleure manière de le faire, c’était de faire jouer des petits de la cité. En plus, il y a beaucoup de jeunes qui ne partent pas en vacances. Le collège ressemblait à une Maison de la jeunesse. Même quand ils ne tournaient pas, ils venaient. On a créé un groupe hyper sympa. Trois, quatre jeunes du quartier ont un rôle important dans le film. Quasiment tous les figurants viennent de Franc-Moisin.
MI : Certains participants sont du collège, d’autres de Suger. On a impliqué le quartier, à tous les niveaux. Les personnes de la sécurité sont des potes d’enfance.
LeJSD : Que raconte le film ?
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FM : Beaucoup de films ont déjà été faits dans les collèges sur les gamins ou les professeurs. Nous, on entre par le biais du service de la vie scolaire – d’où le titre du film – celui du CPE [conseiller principal d’éducation] et des surveillants. Le pitch, c’est une CPE qui vient de province pour son premier poste. Le rôle est joué par Zita Hanrot [prix du meilleur espoir féminin aux Césars 2016 pour son rôle dans Fatima]. Mais ce n’est pas la candide qui se fait marcher dessus. En plus de ses problèmes personnels, elle doit gérer ses élèves et ses surveillants hauts en couleur. Elle se prend d’affection pour un jeune de 3e , le rôle principal, qui a des problèmes de discipline. Il est joué par Liam Pierron. C’est un jeune qui vient d’Argenteuil, qui a été casté lors des auditions à Saint-Denis.
MI : C’est entre la comédie et le drame. On espère trouver le même ton que dans Patients.
LeJSD : Quel message avez-vous envie de faire passer ?
MI : On veut essayer de montrer que le système est plus fort que les hommes. On ne veut taper ni sur les profs, ni sur les parents, les élèves ou l’administration. On veut dire qu’à cause du système, il est difficile d’apprendre dans les meilleures conditions en Zone d’éducation prioritaire.
LeJSD : Avez-vous suivi l’actualité récente à Saint-Denis où il y a eu des problèmes de violence dans les collèges et les lycées ?
MI : Oui, cette actualité trouve un écho dans notre film. Mais il y a toujours eu ce genre de problème. Je n’ai pas l’impression que cela soit pire qu’avant.
LeJSD : À Saint-Denis, comme ailleurs, le trafic de drogue s’est développé. En parlez-vous ?
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MI :Le personnage principal a un pote qui est dealeur. Après, est-ce que cela s’est développé à Saint-Denis? Il y en a toujours eu ici. À mon époque, c’était beaucoup à Franc-Moisin. Maintenant c’est un peu partout. C’est devenu un business courant. En plus du shit, il y a d’autres produits…
LeJSD : Après le succès de Patients, vous n’avez pas trop la pression ?
FM : Forcément, il y a des attentes parce que Patients a cartonné. On a eu des nominations aux Césars et plein de prix. Peut-être qu’au moment de la sortie [prévue en 2019] on sentira la pression, mais, pour l’instant, on fait notre taffe. On est resté dans le même format. Petit film, sans grosse tête d’affiche. Et on tourne avec plein de potes, on est dans le quartier, on est bien.