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Grève des agents : heure pour heure, dent pour dent
Ce que propose la ville
On ne pourra pas dire qu’il n’avait pas annoncé la couleur. À plusieurs reprises pendant la dernière campagne des municipales, Mathieu Hanotin (PS) a rappelé que les fonctionnaires de la Ville avaient vocation à travailler 1 607 heures par an (35h hebdomadaires) comme le prévoit le cadre légal, et non 1 535 heures en moyenne comme l’avait constaté la Chambre régionale des comptes (CRC) dans son dernier rapport de 2017. Trois mois après son élection, le nouveau maire s’attelle donc à la tâche. Il faut dire que la loi de transformation de la fonction publique adoptée par le parlement en août 2019 ne laisse plus guère de marge de manœuvre aux collectivités locales.
Au 1er janvier 2022, elles devront toutes être rentrées dans les clous. Pour rappel, en 2016 seules 20% des collectivités respectaient la règle des 1 607h. Mais depuis le mouvement est largement enclenché, puisque seul un quart des collectivités n’ont pas encore entamé le retour aux 1 607h selon un baromètre Randstatd publié en septembre 2019. Toute la question est désormais de savoir comment le nouvel exécutif compte s’y prendre ?
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Le 15 septembre, Mathieu Hanotin a réaffirmé ses grandes orientations en matière de ressources humaines (RH) devant les organisations syndicales et, le 22 septembre, c’est son adjoint aux RH et à la modernisation de l’administration, Brahim Chikhi, qui est entré dans le détail avec ces mêmes syndicats. Le son de cloche est clair. « L’objectif d’amélioration du service public n’est pas négociable, par contre les moyens oui », explique Anne-Sophie Dournes, directrice générale des services (DGS). Pour autant le temps donné à la négociation n’est pas infini puisque la majorité entend délibérer sur le sujet en décembre en conseil municipal, ce qui implique un passage en comité technique dès novembre. « On doit poser cette réforme d’abord pour mener les autres à bien ensuite », poursuit la DGS. L’augmentation du temps de travail serait donc la mère de toutes les réformes.
Un des problèmes dans cette histoire c’est que l’on parle de moyenne de temps travaillé. Les situations sont en effet très disparates d’un agent de la municipalité à l’autre. Ces derniers disposent aujourd’hui de 28 jours de congés payés (contre 25 prévus par la loi), plus quatre à cinq jours du maire, de 16 jours de RTT (contre 15,2 théoriquement selon la direction générale), de 10 jours de congés offerts l’année de la médaille, plus 5 les années suivantes, et de 90 jours offerts au moment du départ en retraite. Pour la direction générale il semble cependant inévitable de revenir sur certains de ces jours de congé. Désormais, la mairie a prévu un temps technique de travail avec chacun des syndicats séparément avant de les revoir tous en intersyndical.
Les partis prenants ont un autre sujet sur la table : la refonte du régime indemnitaire avec la mise en place du Rifseep. « La CRC a constaté des irrégularités, détaille Anne-Sophie Dournes. Une petite partie du régime indemnitaire actuel n’a pas de base légale et pourrait donc être bloquée par le payeur. C’est un vrai risque. Nous proposons donc de sécuriser la prime municipale (environ 1 500€ nets/an/agent). » Au passage, la Ville souhaite conditionner une partie de cette dernière « à la présence des agents et à leur manière de servir. Mais on ne vise pas les maladies longue durée ou les grosses pathologies, » tempère la DGS. « Celui qui fait son boulot continuera à gagner au moins la même chose, ajoute Brahim Chikhi. Personne ne gagnera moins. Simplement la prime annuelle n’est pas un complément de salaire. Elle ne peut pas être donnée sans condition. Pour autant ce ne sera pas une prime au rendement. »
Avec le Rifseep (adopté récemment à Plaine Commune), la municipalité souhaite aussi valoriser toutes les fonctions d’encadrement. Enfin, la Ville veut revoir les promotions et l’avancement de grade, toujours en valorisant la présence et la manière de servir. « Un agent sanctionné ne doit pas pouvoir avancer dans sa carrière », assume la directrice générale des services. Brahim Chikhi reconnaît par contre que ce nouveau système « nécessite un encadrement capable de situer le curseur au bon endroit ». À noter que si pour le moment rien n’a été annoncé à Plaine Commune, la refonte du temps de travail devrait y être engagée également avant la fin de l’année.
Ce qui indispose les syndicats
Qu’il pleuve des cordes ou non, l’automne social s’annonce chaud à Saint-Denis. L’appel à débrayer et à manifester de l’intersyndicale (CGT, Snuter-FSU, Sud-Solidaires, Unsa) a été très suivi vendredi 2 octobre. FO et la CFDT, en désaccord sur des questions de forme, n’en ont pas moins suivi le mouvement.
« La municipalité a bloqué le dialogue social, explique très remonté Daniel Nail, secrétaire général de l’Unsa. Ce n’est pas un problème de légalité, mais bien la remise en cause de nos acquis sociaux. Le maire veut revenir au minimum des droits. En clair, c’est marche ou crève. » Et le syndicaliste d’en remettre une couche : « En mettant fin au lissage des jours de grève (1), il veut casser la grève. Un patron ne ferait pas mieux. » Patricia Scarpa, co-secrétaire générale du Snuter-FSU, n’est pas moins virulente : « C’est un passage en force de la mairie. Il n’y a pas de volonté de discuter. Mathieu Hanotin laisse entendre que nous sommes des fainéants et des privilégiés, mais nous n’avons pas attendu qu’il arrive pour nous mettre au travail. Il vise la casse du service public à terme. »
« Le maire propose ni plus ni moins que la réduction de nos congés et de nos salaires alors que lui s’est augmenté son indemnité mensuelle de l’équivalent de notre prime annuelle, s’étouffe Amel Dahmani, porte-parole de Sud-Solidaires. Mathieu Hanotin nous parle de légalité alors que la question c’est celle de nos droits sociaux. Il existe plein de droits supra légaux qui ne posent aucun problème. Il joue la stratégie du choc, en espérant opposer les salariés de la ville à la population. » « Nous irons jusqu’au bout tous ensemble, assure Djamila Bassi, secrétaire générale FO. Ce n’est pas possible de remettre en question nos congés sans compensation. Si on perd d’un côté, il faut récupérer de l’autre. »
« Les nouveaux élus disent qu’ils ont été élus pour mener cette politique, s’étonne Salim Korchi de la CFDT. Je pense que les priorités dans la ville sont autres. » Et Serge Ritmanic, secrétaire générale CGT territoriaux de résumer : « C’est vrai qu’il y a la loi d’un côté. Et nous étions d’ailleurs mobilisés dans la rue contre cette dernière. Mais elle n’oblige pas Mathieu Hanotin à faire tout ce qu’il propose. Personne ne dit qu’il ne faut pas discuter. Simplement il faut faire les choses bien. Ça ne peut pas être gagnant-perdant. Hanotin fait la même erreur que Russier en 2016 (2). Il veut tout passer en bloc. »
Cette grève qui s’impose ?
Des préavis de grève reconductibles ont été déposés par les différentes organisations syndicales. Crèches, cantines, accueils de loisirs, depuis vendredi 2 octobre de nombreux services municipaux sont perturbés. Mardi 6 octobre, on recensait 55 cantines et 20 accueils de loisirs fermés et le centre administratif a été occupé une partie de la matinée. Les prochains jours s’annoncent encore chaotiques pour les usagers dionysiens dont près de 500 d’entre eux ont malgré tout signé une pétition de soutien aux personnels municipaux (change.org) : « Dans cette situation de crise sanitaire et économique, nous devons pouvoir compter chaque jour sur le personnel communal. L’accueil de nos enfants dans les structures éducatives municipales doit être une priorité absolue. Nous n’avons pas besoin d’une réforme administrative qui entraîne des tensions, des grèves, une dégradation des conditions de travail des agents municipaux et qui bouleverse le fragile équilibre de nos existences. »
Mais sur les réseaux sociaux, d’autres parents se montrent moins indulgents avec le mouvement et ses conséquences à l’image de ce père de famille lundi : « Si vous devez faire la grève toute la semaine, dites-le nous pour qu’on se prépare car il y a des parents qui travaillent. » Pas de quoi entamer la motivation des grévistes sur le terrain. « Tant que notre maire ne répondra pas à nos attentes nous resterons mobilisées », lancent Karima, Neila, Samia, Fatima et Reine, entre 7 et 15 ans de mairie au compteur et qui font tourner le réfectoire de Lili-Boulanger en temps normal. « Pourquoi faudrait-il déshabiller Paul pour habiller Jacques ? » interrogent-elles, avec la future cantine gratuite dans le viseur.
Sous une banderole « Anim’s à bout », deux animatrices de l’accueil de loisirs de l’Estrée expriment leur ras-le-bol : « On s’occupe des mêmes enfants que les instituteurs et nous sommes payés une misère (1 500 € nets, ndlr). Nous sommes les plus bas salaires de la territoriale et on veut nous enlever nos acquis. » « On ne veut pas embêter les parents, mais il faudrait qu’ils réagissent et aillent voir le maire, commentent Marie-Paule, Causette, Sylvie et Khadidja de la petite enfance.On fait un métier très dur, très physique. Nous sommes toujours en sous-effectif. Nous avons besoin de nous reposer.»
« En tant que maire adjoint aux ressources humaines, je suis aussi l’adjoint au bien-être au travail et tous ces témoignages de souffrance m’interrogent, assure Brahim Chikhi. Mais les jours de congé ne sont pas là pour compenser cette souffrance. »
Yann Lalande
À l’appel de l’intersyndicale, jeudi 8 octobre à 18h retraite aux flambeaux en amont du conseil municipal. L’opposition posera une question écrite sur le sujet à l’occasion de cette séance.
Retrouvez chaque jour la liste des services perturbés sur Saint-Denis en ligne (https://www.espace-citoyens.net/saintdenisenligne/espace-citoyens/)
- Jusqu’à présent, un agent gréviste ne pouvait pas se voir retirer plus de deux jours de grève par mois selon le principe du lissage.
- Après un mouvement de grève, la précédente majorité avait abandonné son projet de réforme du temps de travail.
Mathieu Hanotin : « Je ne céderai pas »« Je tiens à rappeler un premier principe. Quand on fait grève, on ne touche pas de salaire. Les jours de grève seront donc désormais décomptés au plus tard le mois suivant. Sinon c’est trop facile et ceux qui paient, à la fin, ce sont les usagers. Je ne comprends pas la mobilisation alors que nous sommes au début d’un processus ouvert. J’y vois la volonté de ne pas négocier. Pourtant, il y a plein de manières de faire 35h par semaine et la porte est ouverte pour voir comment on applique ce principe. Et dire ça, ce n’est pas revenir au XIXe siècle. En revanche, si le sujet est de rester à 32h30, je ne céderai pas. Quand bien même les services resteraient bloqués deux mois. C’est un principe de justice que l’on doit à nos concitoyens. Nous payons les fonctionnaires municipaux avec les impôts des Dionysiens. Je suis le premier magistrat de la ville, je ne peux pas dire je m’assois sur la loi. La question n’est pas de faire des économies mais de proposer du service public en plus. Enfin, en ce qui concerne la prime annuelle, elle doit sanctionner un travail effectué. Mais je veux rassurer les syndicats, l’encadrement lui aussi sera évalué et tout le monde sera contrôlé, y compris la directrice générale des services. Ce que nous proposons, c’est la justice et l’exemplarité pour recréer une ambiance positive au travail. » YL. |
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06 octobre 2020
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