À la une Cultures
Conservatoire/
Fini le solo de piano
Comment inscrire dans la durée la pratique d’un instrument ? Quel sens donner à l’enseignement au sein d’un conservatoire, tant du côté de l’élève que de celui du professeur ? C’est à ces deux questions que le dispositif de la classe de piano unique veut tenter de répondre.
Proposée et mise en place depuis 2016 par des professeurs de piano du conservatoire de Saint-Denis, cette classe particulière repose sur un principe simple : mêler les cours de formation musicale (solfège, chant, histoire de la musique, lecture, improvisation, théorie…) aux cours d’instrument et à un cours de pratique collective. Contrairement au système traditionnel qui segmente ces approches. Ce cours global permettrait de lutter contre le décrochage. Céline Roulleau, Michèle Le Meur, Fabien Cailleteau, Raluca Moulinier et Nicolas Fabre en sont convaincus, le collectif et l’amplitude horaire sont la clé de voûte de cette forme d’enseignement innovante (saluée par la DRAC par ailleurs).
LIRE AUSSI : Extension du domaine de la musique
« Quand nous avons commencé à travailler sur le décrochage, les réponses qui apparaissaient passaient par le collectif, se souvient Fabien Cailleteau. Avec le système traditionnel, nous avions aussi un problème de temps pour pouvoir revenir sur des notions. Aujourd’hui, nous avons deux cours par semaine, en groupe de six élèves contre un seul cours hebdomadaire avec l’ancien système ». « Cela favorise le progrès, la mémoire, la compréhension et les erreurs sont corrigées plus tôt », renchérit Céline Roulleau.
« En fin de cours on leur demande de s’exprimer sur ce qu’ils ont aimé faire ou pas. Cela change beaucoup de choses dans la relation professeur-élèves. Ils s’impliquent plus et une confiance s’installe», témoigne quant à elle Michèle Le Meur. Même s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, le décrochage semble reculer dans la classe de piano unique dont bénéficient actuellement 33 élèves. « Il y a maintenant des réorientations. Il n’y a pas d’abandon en milieu d’année comme cela pouvait être le cas auparavant », constate Céline Roulleau qui enseigne le piano depuis 2005.
La pratique collective d’un instrument dans une classe multi-niveau (débutant et fin de cycles) est aussi l’occasion de faire évoluer l’expérience en tant qu’élève. « Ils s’entraident, il n’y a pas d’esprit de compétition. Cela été une vraie découverte », affirme Fabien Cailleteau qui raconte les débuts du dispositif dans le livre La classe unique - Chronique d’un cours global de piano paru aux éditions Aedam Musicae.
LIRE AUSSI : Conservatoire, des inscriptions plus fluides
Toutes les esthétiques musicales
Depuis le lancement du dispositif, le collectif de professeurs s’est étoffé. Nicolas Fabre qui enseigne le piano jazz a rejoint l’équipe cette année. «L’idée c’était d’amener le jazz et les musiques actuelles au cœur de l’enseignement du piano. Cette ouverture stylistique offre donc un enseignement de premier cycle ouvert sur toutes les esthétiques musicales, explique Nicolas Fabre qui a très vite mis en place des exercices pour les élèves comme le “petit boogie”. C’est une base de boogie sur laquelle les élèves improvisent. Cela permet de travailler le rythme mais aussi l’improvisation, la technique, à élargir leur culture… Ce sont des éléments qui leur serviront dans leur cursus », gage le professeur.
Ce cours global fait-il de ces petits apprentis de meilleurs musiciens ? La réponse semble faire consensus. « On travaille beaucoup sur l’écoute, y compris l’écoute de l’autre et cela me plaît bien qu’un musicien sache être à l’écoute », commente Fabien Cailleteau. « Avec ce cours global, on jongle entre la théorie et la pratique. Les notions sont plus facilement assimilées. On forme des musiciens plus complets », affirme Nicolas Fabre.
Pour Céline Roulleau, ses élèves « se rendent compte qu’ils ont beaucoup plus de possibilités et développent une plus grande sensibilité. Un musicien est-ce que ce n’est pas quelqu’un pour qui tout résonne ? ».
Maxime Longuet
Réactions
Théodora Marty (Pseudonyme non vérifié)
03 mai 2020