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Faut-il rendre la cantine gratuite ?
En période d’élection municipale, elle fait partie des mesures qui agite les campagnes politiques. Lancée en 2007 par les Villes de Drancy et du Bourget, la gratuité de la cantine dans les écoles élémentaires, notamment, est présentée comme un dispositif clé pour l’épanouissement de l’enfant ainsi que sa réussite à l’école. L’objectif d’une telle initiative est d’offrir un repas complet et équilibré pour tous les écoliers à l’heure du midi. En moyenne aujourd’hui, 7 enfants sur 10 fréquentent les cantines des écoles primaires (1).
Pourtant, l’accès effectif à la cantine pour tous les élèves reste problématique. En juin dernier, dans son rapport « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants », le Défenseur des droits Jacques Toubon a rappelé que le « coût à l’inscription à la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres ». Faut-il rendre la cantine gratuite ? Le JSD a posé la question aux principales têtes de liste aux élections municipales des 15 et 22 mars.
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Une mesure « philosophique et sociale »
Houari Guermat (UDI) se dit « 100% pour ». La cantine gratuite est pour lui « une mesure phare, à la signature centriste ». Le candidat rappelle d’ailleurs qu’elle faisait déjà partie en 2014 de ses promesses de campagne. « Beaucoup d’enfants ne mangent pas le midi. Même s’il y a le quotient familial et que certains parents peuvent payer 15 centimes d’€ le repas, d’autres ne le peuvent pas », avance Houari Guermat. « C’est une mesure sociale destinée aux classes moyennes et petites classes moyennes », continue le centriste.
Dans le programme de Mathieu Hanotin (PS) figure aussi la cantine gratuite. Cette idée va de pair avec sa « vision politique de l’école », qui pour lui doit être gratuite. La tête de liste Notre Saint-Denis repousse d’avance les critiques de « ceux qui disent “oui mais ce n’est pas une mesure juste”. J’ai envie de leur dire, dans ce cas-là, si je suis votre raisonnement, il faut rendre l’école payante parce qu’il n’est pas juste pour ceux qui gagnent beaucoup d’argent que l’école soit gratuite », ironise Hanotin. Et d’ajouter : « Avec, les tarifications en grille tel qu’on les fait actuellement, il y a toujours des travers. 0,15 € pour les personnes qui sont les plus pauvres, ce n’est pas cher. Mais la cible majeure de cette mesure à la fois philosophique et sociale, c’est toutes les personnes qui sont des travailleurs pauvres. Celles qui gagnent entre 1 000 et 1 500 € avec un ou plusieurs enfants. »
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Bally Bagayoko, tête de liste Faire Saint-Denis en commun, se dit « d’accord pour la gratuité de la cantine mais pas pour toutes les couches sociales. Elle doit être destinée à la frange de la population la plus fragile ainsi que les couches moyennes ». A contrario, « il n’y a pas de justice sociale ». Celui qui reconnaît avoir fait partie de la majorité qui a mis en place la cantine à 0,15 €, souhaite davantage s’intéresser à l’enjeu de la qualité des repas plutôt qu’à celui de la gratuité. « Qu’est-ce que nos enfants vont manger ? C’est cela qui m’importe », rapporte Bagayoko qui dans son programme propose trois repas végétariens hebdomadaires et de tendre davantage vers le bio car « ce n’est pas que pour les bobos ».
La gratuité, à quel prix ?
À Saint-Denis, 36 % des familles paient moins de 1 euro le repas. Aux yeux du maire sortant et candidat aux municipales Laurent Russier, plutôt que d’instaurer la cantine gratuite, il faudrait maintenir « la tarification sociale et solidaire » actuelle basée sur le quotient familial. « On a sûrement les tarifications sociales les plus avantageuses du département », développe la tête de liste Vivons Saint-Denis en grand.
Avec la cantine gratuite, Russier craint qu’il y ait « une double peine ». « Quand on regarde les villes qui l’ont mise en place, c’est très souvent, en tout cas dans le 93 » au détriment « des familles monoparentales ou de celles où un seul parent travaille ».
En effet, en raison de la hausse de la fréquentation – jusqu’à 20% à Bobigny par exemple – « des critères restrictifs ont été mis en place. La cantine ne doit pas être un facteur d’exclusion », tranche-t-il. Laurent Russier en profite pour rappeler que c’est Mathieu Hanotin, lorsqu’il était vice-président départemental en charge de l’éducation (nrdl : 2013), et juste avant les élections municipales de 2014, qui a fait voter au collège, une hausse des tarifs des cantines dans les collèges. Le prix plafond est passé de 2 à 4 euros. « Lorsque son enfant passe du CM2 au collège, une famille n’a pas tout d’un coup son pouvoir d’achat qui augmente », explique Laurent Russier. Et de poursuivre : « Moi, je préférerai qu’on se batte ensemble, car nous sommes toujours dans la même majorité au département. L’effort du point de vue tarifaire est surtout à faire du côté des collèges et des lycées. »
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Le candidat PCF évalue la mise en place de la cantine gratuite à Saint-Denis à 5millions €, quand le candidat PS chiffre la mesure à 1,7 million € et promet qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts. Alors, comment va-t-il financer cette mesure ?
« On va faire respecter la loi sur les 1 607 heures de travail chez les fonctionnaires. On récupérerait entre 3,5 et 4,5 millions € », estime Hanotin. Le socialiste l’assure : « Il faudra aussi faire des économies. L’ensemble des propositions que l’on propose pour la ville dans notre programme sera basé sur des économies et pas sur des recettes nouvelles. »
Du côté de LREM, la cantine gratuite est une mesure « sociale et éducative » inhérente à la réussite scolaire des élèves. « On va mettre le paquet sur l’éducation », s’engage la tête de liste Alexandre Aïdara qui dans son programme propose notamment deux repas bios hebdomadaires et les petits-déjeuners gratuits. Pour financer la cantine à zéro euro, le candidat LREM veut « faire des économies sur des postes où il y a beaucoup de gaspillage ». Et, à l’instar d’Hanotin, il pointe du doigt la masse salariale, qui représente 66 % du budget.
Houari Guermat, lui mise notamment sur la « hausse des recettes de la Ville qui se font annuellement automatiquement », pour financer la cantine gratuite qu’il mettra en place d’abord en élémentaire puis progressivement en maternelle. « Il y aura des dépenses à faire, on ne peut pas le nier, mais ce budget de la cantine est absorbable », affirme le candidat centriste.
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Yslande Bossé
Cantine scolaire : la tarification sociale en questionEn France, ce sont les villes qui ont la compétence pour fixer le prix des repas à la cantine, les modalités d’inscription ainsi que la composition des menus. A Saint-Denis, la fréquentation de la restauration scolaire oscille entre 50 et 54% depuis trois ans. En moyenne, 3125 enfants sont inscrits à la cantine en maternelle, ils sont 4360 en élémentaire. Depuis plus de vingt ans, le prix d’un repas dans la municipalité communiste se situe entre 0,15 centimes et 4, 65 euros. Mais en réalité, le prix d’un repas juste en termes de denrées alimentaires est de 1, 90 euros. Pour la ville, le coût réel est de 11, 25 euros si on ajoute le coût des denrées, des personnels de la cuisine centrale, les agents des offices pour tout ce qui est réchauffage dans les écoles ainsi que l’encadrement et l’accueil. Si 36% des familles paient moins de 1 euro le repas à la cantine, le pourcentage de celles qui payent 4, 65 euros est assez faible : 10%. 2 300 000 euros de recettesAu total, les recettes que rapportent à la Ville, le paiement de la cantine par les familles s’élève à 2 300 000 euros. A ceci s’ajoute 937 000 euros de recettes de la CAF, qui sont des aides accordés à la commune car elle respecte les normes d’encadrement sur les temps du midi. Si la question de la tarification sociale fait débat tant à l’échelle nationale que locale, c’est parce que selon les municipalités, les grilles de tarifs de la cantine scolaire peuvent présenter de grosses disparités. « Les débats actuels sur la modulation de ces tarifs sont nombreux, certains proposant la gratuité des repas, d’autres un repas à 1 euro donnant lieu à une aide d’Etat de 2 euros. En tout état de cause, on peut estimer, avec le Défenseur des droits, que la restauration scolaire peut être quialifiée de « service public à vocation sociale ». De ce fait, la question de la tarification et plus largement celle de la prise en compte des inégalités sociales doivent être posées », expose dans son rapport paru le 13 janvier, « Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires », le think thank Terra Nova. A Saint-Denis, c’est uniquement le quotient familial qui sert de base pour calculer le prix du repas que vont payer les familles. Selon Laurent Russier, « le quotient familial est la jauge de la difficulté familiale la plus forte ». YB. |
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Mourad (Pseudonyme non vérifié)
16 janvier 2020
béatrice (Pseudonyme non vérifié)
16 janvier 2020