Tribunes
On en redemande
Habitants de Saint-denis, nous avons hélas trop souvent de bonnes raisons de râler, aussi, quand un événement heureux surgit, il est important de le signaler.
Nous avons eu la chance d’obtenir des places pour nous rendre samedi dernier à la représentation de l’opéra Le Couronnement de Poppée au… TGP. Et tout cela pour le prix (participation du CE comprise) d’un Ticket théâtre, soit 6 euros. Que demande le peuple ?
Nous nous retrouvons donc samedi 16 janvier dans un théâtre plein à craquer. Quel plaisir déjà que de voir l’intérêt suscité pour un art trop souvent considéré réservé à une « élite ». Nous pouvons reconnaître de surcroît dans la salle des enseignants de Stains accompagnés de leurs élèves. Quelle classe ! Quel bonheur aussi de voir ce public jeune et de toutes les couleurs. Ce n’est pas à Garnier ou à la Bastille que l’on peut voir une telle diversité des publics.
Quant à l’opéra proprement dit, point de départ de l’art lyrique, malgré ses 300 ans d’âge, il ne laisse pas d’étonner par la modernité de son propos. Il pourrait vite se trouver qualifié aujourd’hui de « pas très politiquement correct ». Y sont dépeints sans fard les ambitions, enjeux de pouvoir ainsi que la condition féminine avec une belle et cruelle lucidité (preuve que les mentalités n’évoluent pas vite).
Les voix quant à elles, des sopranes aux ténors, nous ont toutes enchantées avec un faible pour Othon ; Paulin Bündgen, merveilleux contre-ténor.
Côté décors et mise en scène, même enthousiasme : de la subtilité, de l’élégance, de l’humour aussi avec quelques clins d’œil tout en finesse notamment celui dédié à Fellini.
Il serait injuste d’oublier l’orchestre, ce n’est pas tous les jours qu’il nous est donné de voir et d’entendre des instruments anciens : viole de gambe et théorbe étaient au rendez-vous pour nous restituer au plus près la partition baroque de Monteverdi.
En bref, samedi, nous avons touché à la beauté, au raffinement loin des préoccupations qui polluent notre quotidien.
À l’issue du spectacle, mon Parisien de voisin me dit :- « On n’a pas forcément cette qualité-là à la Bastille et dire qu’il faut venir au TGP pour voir cela. » Je lui réponds que c’est un magnifique cadeau que nous fait ce théâtre. Il me demande étonné si je suis de Saint-Denis, je lui réponds que oui et que je suis fière qu’un tel événement ait lieu ici.
Au même moment, le public, pas guindé, exulte, siffle sa jubilation. Les rappels se succèdent, les chanteurs(ses) ravi(e)s semblent surpris du triomphe qui leur ai fait.
Ce soir, je ne suis pas la seule à être fière et comme c’est bon cette communion autour d’un chef-d’œuvre de l’art lyrique. Nous pouvons aller nous coucher, apaisés et encore accompagnés par des voix d’anges.
Sonia Gomar