En ville
Trafic de drogue/
Des mamans payent le prix de leur engagement
La sonnette d’alarme a été tirée par un collectif d’habitants et de travailleurs du quartier Delaunay-Belleville-Semard dans le nord de la Ville. « Nous […] sommes choqués et consternés de voir des voitures vandalisées, des familles agressées, intimidées par de dangereux délinquants. Ces individus n’hésitent pas à s’en prendre à des mères célibataires sous les yeux de leurs enfants, ils intimident des familles sur leur palier », écrivent-ils dans une pétition en ligne publiée samedi 12 octobre et signée par environ 300 personnes (1). Ce sont en particulier des femmes qui sont visées.
Depuis la découverte de cannabis à l’intérieur du groupe scolaire Victor-Hugo après une intrusion en plein jour le 13 mai, les mères de famille sont en première ligne pour dénoncer le développement tentaculaire du trafic de drogue dans leur quartier. Quelques jours après, les parents – en majorité des femmes – ont commencé à symboliquement former une chaîne humaine autour de leur école pour dénoncer l’emprise du trafic dans leur quartier. Après la trêve estivale, ces parents d’élèves ont continué leur action, inspirant d’autres initiatives de ce genre à Saint-Denis. Leur action spectaculaire a été grandement médiatisée. TF1, M6, BFM, etc. Des mamans ont témoigné dans les reportages télés, parfois à visage découvert. La chaîne humaine et sa médiatisation, couplées à la mise en place du Quartier de reconquête républicaine de la police nationale dans les quartiers nord en septembre, ont tendu les rapports entre les dealeurs et les habitants.
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« Ils se sont mis le quartier à dos »
« On m’a traitée de balance parce que j’ai parlé à la presse. Dans leurs têtes, ils [les dealeurs] s’imaginent que je les dénonce aux flics. Ils se font des films !, s’insurge Nathalie, installée depuis 2002 à la cité Gaston-Dourdin. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que les habitants ne sont pas contre eux, mais ils [les dealeurs] ont poussé les gens à bout. Ils se sont mis le quartier à dos. Alors que les habitants veulent juste la paix et vivre normalement. »
Depuis à peu près cinq ans, le trafic de drogue – essentiellement du cannabis – est devenu industriel dans cette cité d’environ 400 logements qui appartient au bailleur social Logirep. Terrain quadrillé par une armada de guetteurs, âgés généralement de 16 à 20 ans, le deal a principalement lieu au bâtiment 4 de cet ensemble HLM. Mi-septembre, Nathalie s’est fait crever les pneus de ses deux voitures. Le samedi 12 octobre, la vitre de l’un de ses véhicules a été cassée et l’intérieur a été abîmé. « Ce jour-là, des policiers ont arrêté un gars… Le soir même, ma voiture était vandalisée », s’agace-t-elle. L’un des dealeurs – qui n’est pas du quartier – est particulièrement virulent. « Il m’a menacée en me disant: “je vais te frapper, te gifler, etc.” », raconte-t-elle.
D’autres mères ont subi des intimidations. Des véhicules ont été vandalisés. Une locataire de la cité a même reçu des menaces de mort. Nathalie, elle, ne croit pas que les dealeurs passeront à l’acte. « C’est une manière de t’intimider, de te dire qu’ils vont t’emmerder jusqu’au bout. Moi, ils ne me font pas peur, mais d’autres peuvent être choqués », estime Nathalie.
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Cinq personnes ont été menacées
Selon un collectif d’habitants, cinq personnes ont été menacées par les dealeurs, pour la plupart locataires de Dourdin. Fin septembre, l’élue Silvia Capanema, vice-présidente à la jeunesse au Département, a reçu l’une de ces mamans. Le 1er octobre, elle a écrit un courrier au préfet de Seine-Saint-Denis, avec le maire Laurent Russier en copie, pour demander le relogement de cette femme et de sa famille. « Le harcèlement contre des mamans mobilisées contre les trafics est inacceptable et ne restera pas sans réponse, a réagi de son côté la municipalité dionysienne. La mairie de Saint-Denis proposera des solutions [de relogement] pour ceux qui souhaitent rester sur la ville. Un accompagnement sera également proposé, en lien avec le préfet et les bailleurs pour celles qui souhaitent changer de commune. »
Nathalie, de son côté, critique la mairie. « Cela me fait bien rire. La Ville propose aujourd’hui de reloger des familles parce que les médias sont sur le coup. Alors que cela fait des années qu’on l’appelle à l’aide », attaque celle qui est présidente de l’amicale des locataires de Gaston-Dourdin. Elle prend pour exemple le cas d’une femme menacée depuis des années, qui subit directement le trafic. « Cela fait cinq ans qu’elle écrit des courriers au bailleur et au maire pour changer de logement et partir de Saint-Denis. Mais personne n’a bougé pour elle ! »
Ce vendredi 25 octobre, les élues de secteur Jaklin Pavilla et Florence Haye recevront les personnes menacées afin de faire un point. « D’abord, on veut leur montrer qu’on ne les abandonne pas. On veut entendre leurs souhaits », explique Jaklin Pavilla, première maire adjointe. Elle assure que la Ville accompagnera les familles en danger. Et elle agira au cas par cas. Parce que sinon « c’est toute la cité qui va demander à déménager ».
Aziz Oguz
(1) https://www.change.org/p/laurent-russier-relogement-des-familles-en-danger-saint-denis Cagnotte en ligne: www.lepotsolidaire.fr/pot/03s3jeg9
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Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
23 octobre 2019
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