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/ Dans les coulisses du théâtre confiné

En l’absence de représentations, les théâtres continuent à accueillir des répétitions. C’est notamment le cas au TGP avec la création Bijou bijou te réveille pas surtout de la Compagnie Pour ainsi dire. Reportage.
Salle Roger-Blin, la Compagnie Pour ainsi dire répète son spectacle Bijou bijou, te réveille pas surtout. © Yann Mambert
Salle Roger-Blin, la Compagnie Pour ainsi dire répète son spectacle Bijou bijou, te réveille pas surtout. © Yann Mambert

C’est par la petite porte, rouge, celle de l’entrée des artistes, que l’on rentre au TGP ce vendredi 4 décembre. De l’extérieur le lieu a l’air vide, mais cela bouillonne à l’intérieur… Si le théâtre a dû fermer ses portes au public avec le reconfinement d’octobre, les artistes ont cette fois-ci pu continuer à travailler et répéter. 

Dans la salle Roger-Blin, c’est la Compagnie Pour ainsi dire qui prépare son spectacle Bijou bijou, te réveille pas surtout. La première était prévue pour le 9décembre 2020 au TGP, et a donc été reportée à la saison suivante. L’équipe n’en travaille pas moins d’arrache-pied, de 9h30 à 20h depuis plusieurs semaines. La matinée est notamment dédiée à la technique, aux entraînements musicaux et vocaux. Les cinq comédiens sur scène accordent leurs divers instruments : grosse caisse, guitare électrique, violon, saxophone, flûte à bec.

Une invitation à prolonger ses rêves

 Matthieu, créateur vidéo, est derrière la console, il peaufine son œuvre sur son ordinateur. « Ce matin nous avons travaillé ensemble sur les effets de projection vidéo sur le rideau du fond », raconte Sylviane Fortuny, la metteuse en scène de la compagnie. Les arbres et les oiseaux bougent en effet en rythme, pendant que sur le plateau une mélodie s’éveille. « La musique, dans différents styles, va jalonner tout le parcours pour emmener les spectateurs dans une dimension onirique », souligne Sylviane Fortuny. Le spectacle, destiné à un public jeunesse, mais aussi aux grands, invite à se plonger dans différents rêves. Bam, bam, bam… Dans son sommeil… entonne le chœur sur scène, devant un grand panneau réfléchissant. Anna, la coach vocale, les fait répéter et les conseille. « Écoutez-vous pour être en même temps ! » Sylviane fait des suggestions de placements. L’œil et l’oreille travaillent, mais aussi les émotions. « Il faut plus de joie, ce n’est pas un enterrement ! », encourage-t-elle en souriant.

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Décalages, mouvements, attitudes, postures, temporalité, sonorités… Pendant que la metteuse en scène fait un débriefing de fin de matinée à ses comédiens sur les points à améliorer, l’éclairagiste Kelig en profite pour investir la scène et régler la lumière à certains endroits du plateau. Elle interagit également avec Matthieu et Jean, le régisseur général du spectacle qui s’occupera notamment de la régie lumière et son pendant la tournée. « Nous sommes vigilants aussi sur le timing, la rythmique, la technique. Cela concerne aussi les comédiens, qui doivent se déplacer, au bon moment et à la bonne place », souligne-t-il, assis derrière le pupitre lumière. Un cours d’escrime est d’ailleurs prévu le lendemain.

La création par temps de confinement

« Si seulement le monde pouvait nous voir », déclame une comédienne. Une mise en abyme de la situation actuelle. « Le confinement a eu quelques petites répercussions sur notre création », admet Sylviane Fortuny. Le texte du spectacle s’y prêtant déjà… « C’est un théâtre à l’abandon, en sommeil, avec des choses qui traînent. Un comédien rêve de gloire et ses camarades veulent lui donner une leçon. Ils construisent quelque chose, mais ce qui manque, c’est le monde, et le monde c’est bien sûr le public de la salle, ironiquement absent aujourd’hui », raconte l’auteur Philippe Dorin. La première du spectacle se fera au TGP, à Saint-Denis, mais sans le public, les sièges rouges de la salle resteront vides.

« Nous sommes un peu tristes de ne pas pouvoir nous produire ici tout de suite, d’autant plus que nous avons un lien fort avec le TGP. Nous y avons joué nos trois derniers spectacles, en résidence, et un partenariat a été noué pour jouer devant des publics scolaires », regrette Sylviane Fortuny.

À quelques jours de l’annonce du gouvernement, jeudi 10 décembre, de la poursuite de la fermeture des théâtres, la metteuse en scène était encore optimiste : « Nous relativisons cependant, nous avons eu la chance de pouvoir répéter dans les lieux prévus et la tournée va donc pouvoir se dérouler. » La première officielle aurait dû avoir lieu au théâtre Louis-Aragon de Tremblay-en-France le 16 décembre…

Delphine Dauvergne

Réactions

"si seulement le monde pouvait nous voir". La véritable raison de l'impossibilité de rouvrir les salles de théâtres est qu'il y aura toujours une spectatrice ou un spectateur pour enlever discrètement son masque durant la représentation avec comme conséquence la propagation du virus Sars-Cov-2 à l'ensemble des personnels présents et à l'ensemble des spectatrices/teurs (ou pire de son variant anglais). La lutte contre Sars-Cov-2 est incompatible avec les libertés individuelles promises par les régimes démocratiques. Le monde du spectacle paye cher l'indiscipline légendaire des français.