En ville

Dans le sillage du maire

Didier Paillard poursuit les visites de quartier. Le 27 juin, une fête d’enfants l’attendait. Des squatteurs du parc HLM aussi.

Les enfants s’époumonent. « Joyeux anniversaire. » Ils fêtent les 20 ans de la ludothèque du quartier (lire page 7). Il fait beau, beau comme tous les gosses réunis qui s’amusent. Didier Paillard termine là sa visite du quartier Franc-Moisin. La tension est retombée. Il coupe des parts de gâteaux. Le visage est plus détendu. Mais avant d’arriver là, tout n’a pas été que douceur et sucrerie. Les visites du maire sont un grand classique où le premier magistrat, les adjoints et les techniciens qui l’accompagnent croisent les effets multiples des crises de notre société. Des petits bobos gênants, mais pas trop graves, comme les portes des halles qui ne ferment pas, aux blessures plus problématiques, jusqu’aux maladies graves.
La dame qui interpelle les élus habite la cité depuis trente-quatre ans. Récemment, sa voiture a brûlé. Elle ne s’en est toujours pas remise. On la sent totalement désemparée. Didier Paillard et Florence Haye, sa première adjointe, écoutent, se renseignent sur les circonstances du sinistre. Quelqu’un donne son avis. Il trouve que ça va mieux en ce moment. « C’est l’été, les jeunes ne sont plus dans les halls. » Mais forcément, ils ne se sont pas envolés. Ils sont dehors…Et sur des motos qui font du bruit. Un artiste est content. Devant son atelier de la rue de Lorraine, « c’est plus propre ». Un ancien de l’hôpital, vieil habitant de la cité, croise le maire devant l’espace Bel-Air. « Vous passez là où c’est beau, il faut que vous passiez aussi là où c’est pas beau . » L’homme veut un rendez-vous. Il l’obtient.
Devant le centre de loisirs, des femmes interpellent. « Vous tombez bien, Monsieur Paillard. » Là, il est question de la qualité du sable, des portes du square qui ferment mal et du revêtement autour des toboggans qui n’est pas encore remplacé… Mais qui va l’être incessamment, assure un technicien. On passe sur la Place rouge, elle est vide et grise. Bientôt, les espaces extérieurs seront repris ici aussi et elle sera aux couleurs de son nom.
Dans un autre coin de la cité, des femmes en boubous, une quinzaine, attendent le maire. Elles l’applaudissent dès qu’elles le voient arriver. Des fans ? Non. Même si, dans la conversation, plusieurs lui diront qu’elles l’ont soutenu au moment des municipales. Ces femmes, et quelques hommes aussi, squattent des logements sociaux. L’échange s’engage. Il durera vingt minutes. Vingt minutes difficiles à entendre. Les avis d’expulsion sont arrivés. Les squatteurs veulent rester dans les logements qu’ils occupent illégalement , pour lesquels ils ont dû payer des sommes rondelettes à des exploiteurs de misère qui forcent les portes . « On est rentrés dans ces appartements parce qu’on vivait dans des taudis où il y avait des rats. Qu’est-ce que vous pouvez faire pour nous ? Que va-t-on devenir ? Que vont devenir nos enfants si on nous met à la rue. »
Didier Paillard écoute, visage grave. Il explique son point de vue: « Il y a une pénurie de logements, 8000 demandes ne sont pas satisfaites à Saint-Denis, nous sommes la ville qui construit le plus en Île-de-France, il n’est pas possible de couper illégalement la file d’attente des demandeurs de logements, le squat ne peut pas être un mode d’attribution. » La discussion dure. Le ton ne monte jamais. Quelqu’un dit : « On viendra camper devant la mairie. » Didier Paillard estime que ce n’est pas une solution. Il parle des carences de l’État, des villes qui ne construisent pas de logements sociaux contre lesquelles il serait utile de se retourner. Les squatteurs restent sur place, la visite continue.
Dominique Sanchez