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Contrôle au faciès : réalité ou fantasme ?
Tandis que le meurtre de George Floyd aux USA et les affaires Traoré et Chouviat en France, relancent le débat autour des pratiques policières conduisant à des morts tragiques, celui du contrôle au faciès reste toujours d’actualité. Dès 2007, le contrôle des minorités visibles dans Paris a été pointé du doigt: « Les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être », lisait-on déjà dans le rapport de l’Open Society Institute.
Toubon favorable à la traçabilité
Interrogé par l’AFP, le 4 juin, Jacques Toubon, qui quittera son poste de Défenseur des droits le 16 juillet, appelait à « une traçabilité des contrôles d’identité ». « Construire de la confiance, c’est notamment lorsqu’une faute a été commise, le reconnaître », déclarait également l’ancien ministre de la justice qui évoquait une « réalité sociologique » sur le contrôle au faciès. Mais que fait la police? Les contextes d’intervention diffèrent pour les forces de l’ordre. Ces dernières se contentent-elles de contrôler les populations (majoritairement masculines) qu’elles ont sous la main dans l’espace public passé une certaine heure à Saint-Denis? Ces mêmes Dionysiens racisés sont-ils sciemment discriminés par la police dans le centre de Paris ou d’autres villes de banlieue? Rappelons que la police est soumise à un code de déontologie. S’en écarte-t-elle au détriment des minorités visibles? Éléments de réponse par les principaux intéressés.
« On n'ose pas s'interposer par peur des représailles »
Anna-Louise, 27 ans
« Mon frère qui est plus “typé” et mon meilleur ami d’origine antillaise en sont régulièrement victimes. Plus jeune, on n’ose pas s’interposer par peur de représailles ou par crainte de mettre en doute la parole de l’autorité. Mais en grandissant, nos convictions s’affirment et il est très difficile de ne rien dire. En tant que métisse, c’est mon histoire familiale qui m’a poussé à réagir. En tant que femme, parfois cela m’a fait reculer. Dès que je l’ai pu, j’ai appris à me placer et à montrer mon indignation, quitte à moi-même subir ce contrôle abusif. Il faut être dans les actes mais davantage dans la pédagogie, surtout de la part des forces de l’ordre. La disparition de la police de proximité a créé un fossé avec les populations et les conflits sont le résultat aussi de ces discriminations ».
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« Il n'y a pas de fumée sans feu »
Sonia*, 29 ans
« J’ai un ressenti mitigé sur cette question. Si je prends l’exemple dionysien, je pense qu’il n’y a pas de fumée sans feu. En termes de contexte, tout est à prendre en compte, notamment la question du trafic de drogue ou de la délinquance dans les quartiers. Ces actes et délits servent de prétexte aux forces de l’ordre car ils arrêtent souvent des personnes avec un profil similaire. Du coup, cela se ressent sur la population visée par leurs contrôles. Effectivement, je ne nie pas que des noirs et des arabes soient plus contrôlés que la normale mais, bien que je sois contre toute forme de racisme, on ne doit pas nier la réalité de la délinquance non plus. Maintenant, les méthodes employées par la police restent abusives. Parfois, c’est gratuit ! Juste pour mettre des coups de pression pour montrer de l’autorité et rabaisser ceux qu’ils ont en face d’eux ».
« Tu es en droit de te poser des questions »
Issa, 20 ans
«On a l’impression que c’est une routine. Cela ne devrait pas être normal. On se sent comme des moins que rien. Tu es avec des amis, tu discutes et tout d’un coup, les policiers arrivent et te contrôlent sans raison. À force, tu les reconnais car ce sont les mêmes qui agissent. Je ne pense pas que ce soit se poser en victime que de dénoncer cela. Il y a du bon et du mauvais partout mais quand à mon âge tu subis ces contrôles plus que d’autres personnes à qui ça n’arrivera peut-être jamais, tu es en droit de te poser des questions... ».
« Je suis obligé de dire à mon fils de s'habiller correctement »
Marc*, 59 ans
« Je n’ai jamais subi ces contrôles car trop vieux peut-être mais c’est une réalité que je vois souvent. Que ce soit dans ma cité ou dans Saint-Denis, on constate que c’est un peu le même type de population qui est visé. Consignes venues d’en haut ou racisme, je ne sais pas, mais si les rangs de la police pouvaient être davantage à l’image des Dionysiens, ce serait un pas en avant. Au final, en tant que père et noir, je suis obligé de dire à mon fils de s’habiller correctement lorsqu’il est avec ses amis pour ne pas attirer les soupçons. C’est navrant, cela fait peur mais cela semble inévitable ».
Propos recueillis par Christopher Dyvrande.
*Les prénoms ont été changés à la demande des interrogés
Réactions
st denis (Pseudonyme non vérifié)
16 juillet 2020
Move (Pseudonyme non vérifié)
18 juillet 2020
Move (Pseudonyme non vérifié)
18 juillet 2020
Maguy (Pseudonyme non vérifié)
19 juillet 2020
Bea (Pseudonyme non vérifié)
20 juillet 2020