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Site de La Briche/
Brichoux et Brichecards sont sur un même bateau
« Le confinement ça n’a pas changé grand-chose. Ici, on est un peu hors du temps, hors du monde. » Peut-être pour plus très longtemps ? L’artiste Nicolas Cesbron nous guide dans son formidable atelier et fait le point. À l’instar des Brichoux, la jeune génération d’artisans installés à la Briche, et des Brichecards, les plus anciens, il s’inquiète pour l’avenir du site sur lequel il exerce son activité et vit depuis 1995.
« L’ancienne propriétaire, Madame Sunnen, s’était aperçue que les artisans étaient plus fiables pour payer les loyers que les margoulins qui se sont succédé. Il était avantageux d’attirer des gens plus honnêtes qui allaient en même temps prendre part à la vie du lieu avec des loyers attractifs », récapitule Cesbron.
La pérennité en question
Mais voilà, il y a près d’un mois, une délégation de l’entreprise Eiffage est venue à la rencontre des artisans, en présence de Patrick George, l’un des enfants héritiers de Mme Sunnen décédée en 2015 et qui possède aujourd’hui la part majoritaire dans la SCI de la Briche. Cette visite ne devait rien au hasard : le promoteur immobilier a proposé un précontrat d’achat à l’entreprise familiale. « Les propriétaires actuels ont à cœur de conserver cette activité, affirme Nicolas Cesbron, lui qui qualifie sa relation avec M. George de privilégiée. Maintenant, nous ne savons pas comment cela peut peser dans un contrat de vente… »
Selon une source proche du dossier, Eiffage avait démarché initialement dans le quartier vingt propriétaires de parcelles avant de réduire la voilure. La pérennité de la Briche, qui reste concernée par le projet d’achat, interroge. De multiples facteurs pourraient jouer en la faveur d’une préservation de l’activité des Brichoux (près de 70 artistes), à commencer par l’attractivité d’un tel lieu pour de potentiels investisseurs qui y verraient là une manière de valoriser leurs projets immobiliers.
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« La Briche serait la façade d’un quartier à vocation culturelle un peu comme les Machines de Nantes ou la Belle de Mai à Marseille », fait valoir Nicolas Cesbron. La question de maintenir les loyers bas serait alors décisive. « S’ils ont besoin de nous, pourquoi pas, cela va préserver notre site, mais la plupart des artisans ici ont des baux précaires. Il faudrait qu’Eiffage nous rassure là-dessus », témoigne Antoine Petit, sérigraphe installé depuis 2006 à la Briche et qui croit impossible l’installation de bureaux ou de logements à cause de la proximité des voies ferrées et de la présence de platanes centenaires, difficiles à déraciner en zone verte.
Car dans les principaux paramètres à prendre en compte, il y a l’inscription de la Briche en zone verte au Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), précisément dans la catégorie des UVPc, zone urbaine verte paysagère dédiée aux installations culturelles et aux loisirs. Le PLUi stipule que « le secteur UVPc permet notamment la construction d’équipements publics, de salles d’art et de spectacle et des constructions de logements et de bureaux, à condition que ceux-ci soient compatibles avec la préservation de la dominante végétale de la zone. Ces dispositions visent à encourager la présence d’activités créatives et culturelles ».
Baux reconduits et loyers maintenus ?
« La Briche bénéficie de la protection maximale, affirme Anne Noël, directrice juridique de l’urbanisme à Plaine Commune qui tient à rassurer. En termes de constructibilité, nous avons pris toutes les protections possibles pour que ce soit dédié à terme à un espace vert le long de la Seine qui remonte le nord du territoire et qui dialogue avec la voie d’eau, avec la possibilité de conserver le pôle artistique et de le faire évoluer. »
Pour modifier ce statut, il faudrait que la réécriture s’inscrive « dans le cadre d’une révision du document, ce qui signifierait, entre autres, de refaire l’évaluation environnementale, relancer une concertation citoyenne… Une procédure qui durerait deux ans et demi », estime Anne Noël. Aujourd’hui, les Brichoux ont besoin d’être rassurés politiquement. « Au début on avait des frayeurs. Mais on n’en sait pas assez pour le moment pour crier au loup. Entre la vente et l’obtention d’un permis de construire il peut s’écouler cinq ans… relativise Nicolas Cesbron. Mais on sait que quand il y a de gros sous en jeu, souvent les artistes se font écrabouiller. Aujourd’hui, nous voulons nous assurer que nos baux soient reconduits dans les meilleures conditions et que l’on nous garantisse que les loyers ne seront pas augmentés. » Le sculpteur regarde du côté de la municipalité qui n’a pas encore pris de position officielle sur ce dossier.
« La Ville pourrait s’appuyer sur nous pour les olympiades culturelles et sa candidature en tant que capitale européenne de la culture 2028 », imagine enfin Cesbron qui, avec le collectif de la Briche, a demandé un rendez-vous à la municipalité alors que des études portant sur le coût de dépollution ont déjà été lancées par le promoteur.
Maxime Longuet
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