Portrait
Aurélie Gigot : l’enseignement des voyages
Elle enseigne l’anglais et s’investit depuis son arrivée au lycée Suger dans les projets pédagogiques. Soucieuse de transmettre à ses élèves sa curiosité pour l’autre.
Toute petite, elle jouait à la maîtresse. Il était donc tout naturel qu’elle devînt professeure. Aurélie Gigot enseigne l’anglais au lycée Suger depuis 2007. « J’y suis arrivée comme stagiaire, et j’ai voulu y rester dès que je fus titularisée », dit-elle avec enthousiasme. Il faut dire que dès son arrivée elle se lance dans le projet « Saint-Denis Harlem » à travers lequel elle amènera ses élèves à réaliser exposition, film, pièce de théâtre à l’issue d’échanges et de voyages nourris. Ce fut le premier des nombreux projets pédagogiques dans lesquels elle s’est investie depuis. « C’était tellement cohérent : Harlem et Saint-Denis sont deux banlieues qui ont des histoires comparables. » Et puis c’était l’Amérique. Terre de ses premières découvertes du monde. « J’ai grandi à la campagne, en Seine-et-Marne, puis je suis venue étudier à Paris. Le choc fut rude », raconte-t-elle.
Ensuite, Aurélie plonge dans la littérature américaine, fait de l’expressionisme chez Faulkner son sujet de maîtrise et se dit qu’il faut absolument aller sur place, découvrir le berceau de cette littérature qui la passionne.Elle part donc, à l’été 1998, comme jeune fille au pair à San Francisco. Un séjour fondateur. « J’ai pris une grande claque », confie-t-elle aujourd’hui. Avec une amie rockeuse, elle visite en voiture le Grand Canyon, par la Route 66 bien sûr, mythique depuis Kerouac. Rentrée en France, elle décide d’y retourner l’année suivante, pour enseigner à l’université de New Brunswick, tout près de New York. « C’était fascinant mais pas si facile. C’est un pays finalement pas très ouvert. »
Amérique, Algérie, Maroc, Yémen…
Parallèlement aux cours de civilisation française qu’elle donne, elle monte des projets avec ses étudiants (déjà !) et s’attache à découvrir l’envers du décor de l’Amérique.Rentrée en France, elle vit un temps à en Bretagne, y devient journaliste pigiste puis prof à Saint-Malo, enfin elle retourne à Paris où elle enseigne à des élèves non francophones. Mais les voyages l’attirent toujours : le désert avec les Touaregs en Algérie, avec les Sahraouis au Maroc, au Yémen, Aurélie apprend l’arabe, toujours en quête de la découverte de l’autre et la volonté de sortir des sentiers battus par les touristes.
C’est en 2005 qu’elle vient habiter à Saint-Denis. « J’ai adopté cette ville », lance-t-elle. Elle participe à des ateliers de théâtre avec la compagnie Jolie Môme, va à des cours de sculpture à l’école d’arts plastiques. « Je m’y suis implantée, enracinée. J’ai fait de belles rencontres dans cette ville où la vie culturelle est une richesse. » Attachée à ce territoire et à sa population, il était donc évident qu’elle enseigne à Suger. « Je veux apprendre à mes élèves le voyage, l’envie de découvrir le monde pour qu’ils en soient partie prenante. Tous ces projets que nous montons, ce sont en fait des prétextes pour aller à la rencontre des autres. »
« Inclure dans ce territoire d’exclusion »
Décloisonner les disciplines, faire que ces projets deviennent ceux des lycéens eux-mêmes, qu’ils s’en saisissent et les mènent à bien, mélanger les publics, travailler en équipe, voilà ce qui, infatigablement et avec passion, guide l’action d’Aurélie, année après année. Et ce n’est pas fini : dès l’an prochain, un projet de web documentaire interactif et évolutif va voir le jour, à partir de et sur Saint-Denis et ses habitants, avec la volonté farouche « d’inclure dans ce territoire d’exclusion ». Tout est dit.
Benoît Lagarrigue