Portrait
Yvan Loiseau/
Artiste tombé dans la marmite…
C’est ce qu’on appelle avoir un sacré culot. Lorsqu’Yvan Loiseau débarque en Argentine en août 2013 pour une année d’échange universitaire, le jeune homme se lance un défi qui va devenir sa marque de fabrique : faire du « tourisme culinaire », c’est-à-dire aller faire la cuisine chez les gens qu’il rencontre dans la rue. « La cuisine est une porte d’entrée vers la culture, l’identité. La façon dont on cuisine une carotte, dont on mange (ou on ne mange pas) un poireau dit beaucoup sur qui l’on est, et là d’où l’on vient », explique ce jeune artiste de 27 ans, à la fois photographe, écrivain et acteur, en cette froide journée de février, à l’étage d’un café dionysien. « En arrivant à Buenos Aires, j’avais des morceaux de Kerouac dans la tête. J’étais un peu naïf, mais avec un désir fou. C’est ce qui m’a permis de me lancer dans ce projet. »
En échange de ces bonnes bouffes, « à mes frais », il dort chez les gens. Et ça marche. On le recommande à des cousins, des amis de la famille. C’est ainsi qu’il va petit à petit traverser l’Amérique du Sud. Après l’Argentine, il enchaîne en stop : Chili, Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie, Panama, Costa Rica, Nicaragua, Honduras, Guatemala et finalement Mexique. Là il prend un avion direction le Brésil, puis reprend le stop pour l’Uruguay et le Paraguay et finalement retrouve l’Argentine avant un retour en France un an et 15 pays après son départ.
« La cuisine est une porte d’entrée vers la culture, l’identité. »
Durant ces 12 mois sur la route, il voit tout, « même ce qu’il y a de plus sombre, de plus violent : la prostitution, les camés... Mais même dans ces situations, il y a toujours de la vie, sous toutes ses couleurs ». Il prend des photos. Écrit beaucoup. De son expérience, il tire un livre une fois rentré en France, qu’il auto-édite, ainsi qu’une exposition, accrochée à la Maison de l’Amérique latine à Paris en septembre 2016. Encore une histoire de culot : « Ça s’est fait en 6 mois : j’y suis allé une fois, deux fois... Et au final ils ont adoré mon travail ! » Entre-temps, Yvan est déjà reparti faire du tourisme culinaire pendant un mois à Madagascar, à la rencontre de la tribu Mikea, un peuple mystérieux qui vit dans les forêts sèches et hostiles du sud du pays. Accompagnant un employé chargé du recensement, il n’arrive pas les mains vides : « J’ai pris une carriole pour transporter 200 litres d’eau, un zébu, des légumes, du rhum et du tabac. On a fait une belle fête ! » De cette rencontre – quatre jours durant lesquels il va accompagner les Mikea à la chasse, la cueillette et qu’ils cultivent le babo – il a tiré un nouvel ouvrage qui paraîtra le 16 mars, ainsi qu’une nouvelle exposition qui se tiendra du 16 au 22 mars à l’Adada. « D’ailleurs, je suis en retard, il faut que je finisse mes textes », explique-t-il avec son accent du sud. Car si ce baroudeur est « né dans le 91 en 1991 », et qu’il habite depuis trois ans et demi dans un foyer de jeunes travailleurs à Saint-Denis, il reste un homme du sud. Il a grandi à Avignon où il a suivi ses parents à l’âge de 5 ans et il a passé plusieurs années à Montpellier, où il a « beaucoup fait la fête pendant trois ans », avant finalement de « passer un IUT Tech de Co, pour rassurer [s]es parents ».
Lauréat de l’appel à projets de l’In Seine-Saint-Denis, il partira le 1er avril pour une troisième expérience de tourisme culinaire, à la rencontre cette fois... de la Seine-Saint-Denis : « Avec mon sac à dos et mes légumes, je vais arpenter le département pour faire des photos, parler avec les gens de leur vie, de la fougue d’ici, des ébullitions constantes. »
Arnaud Aubry
Un grand banquet sera organisé à Mains d’Œuvres (Saint-Ouen) pour célébrer le départ d’Yvan Loiseau le 1er avril (12h30, 5 euros, www.mainsdoeuvres.org).
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BOURRIER (Pseudonyme non vérifié)
22 février 2018