Portrait

Anouk Colombani / La philosophie militante

Ses études universitaires, c'est un peu comme un double cursus. Doctorante en philo d'un côté, militante syndicale de l'autre. Avec le Kurdistan d’où elle revient comme frontière et comme horizon.
ANOUK COLOMBANI
ANOUK COLOMBANI


Anouk Colombani n'est à l'aise qu'avec le « on » ou le « nous ». Dès lors que l'on s'écarte du collectif pour aborder des points plus personnels, ses réponses se font minimalistes, imprécises voire ironiques. Un mélange de réserve et de prudence autant qu'une forme d'humilité. Comme si se raconter individuellement était pour elle un exercice aussi inédit qu'inutile et saugrenu. 


Alors oui, être la fille d'un ancien élu de Pierrefitte, avoir des parents communistes et une famille très engagée, « ça joue », concède-t-elle. Contrairement à des copains militants, elle n'a jamais eu peur d'adhérer et de payer des cotisations. « Ce n'est pas parce qu'on est membre d'une organisation qu'on perd sa personnalité, c'est même l'inverse. Ça nourrit énormément. » Mais sa carte, elle ne l'a pas prise au PC, vu qu'elle est « pour la mort des partis politiques »et fait partie « de ceux qui pensent que le syndicalisme se suffit à lui-même et que c'est par là que la révolution viendra ».


« Même les militants ont une vision hyper fantasmée de la banlieue »

Son engagement chez Sud Étudiant-e-s a démarré avec son parcours universitaire, en 2003, pendant la lutte contre la réforme LMD et s'est affirmé en 2005, avec la mobilisation anti-CPE et une fonction de secrétaire fédérale. Mais sa vie militante « active et consciente »,elle la situe « vraiment » en septembre 2006, avec la création d’une section syndicale à l'université Paris 8. 


Après trois ans passés à étudier l'histoire à Tolbiac, elle en a eu marre de suivre des cours « pas assez critiques » et d'évoluer en fac parisienne. « Ce n'était pas mon milieu. Même les militants ont une vision hyper fantasmée de la banlieue, ça me fatiguait. » Direction Saint-Denis donc, où elle est née. Et la philo. Pourquoi cette filière ? Ça a à voir avec la grève contre la loi sur l'Égalité des chances. Il y a eu des débats et elle se rappelle « avoir fini par regarder l'Abécédaire de Gilles Deleuze. »



« Quand j'apprends quelque chose, j'ai besoin de le mettre en partage »

De manifs en partiels, Anouk, à 30 ans, est aujourd'hui doctorante en philosophie et termine une thèse sur les formes de réconciliation nationale dans les sociétés qui ont connu des périodes d'extrême violence. Elle rentre justement d'un séjour de trois semaines au Kurdistan. À la pointe de la situation géopolitique dans cette région du Moyen-Orient, elle s'y est rendue en délégation avec des camarades étudiants du syndicat Sud Solidaires dans le cadre d'une campagne de soutien au peuple du Rojava, au Nord-Est de la Syrie, qui défend un système révolutionnaire, démocratique et égalitaire contre les forces de Bachar Al-Assad et les islamistes de Daesh. 


Dans son sac à dos, il y avait des livres collectés pour aider là-bas à la création d'une bibliothèque universitaire multilingue et multiculturelle. « Quand j'apprends quelque chose, j'ai besoin de le mettre en partage. » Un goût pour la transmission des savoirs qui s'exprime aussi bien dans son boulot de guide pour le Mémorial de la Shoah qu'avec l'animation d'ateliers d'écriture. Car Anouk a aussi une belle plume, qu'elle met au service des Feuillets des radis,un fanzine politique lancé avec des potes et du journal pour ado Le Vilain petit canardd'une copine illustratrice, où elle a été amenée à écrire sur le langage sans sexisme, les tueries du mois de janvier et son sujet de prédilection du moment, le Kurdistan.


Linda Maziz