En ville

20 ans et toujours l’envie de jouer

Jeux de plateau, bac à sable, dînette ou mécano : au rez-de-chaussée d’un immeuble du quartier, 400 m2 sont dédiés aux loisirs des petits. Les Enfants du jeu fête deux décennies d’activité.

Les ludothèques sont aujourd’hui les équipements culturels les mieux ancrés dans la vie des quartiers, avec sept structures, dont six à statut municipal. Mais en 1988, qui à Saint-Denis connaissait le terme même de ludothèque ? Cette année-là, alors que le quartier Franc-Moisin est encore dépourvu de toutes structures de loisirs, deux animateurs socioculturels, Claude et Valérie Frigiotti, rassemblent une bande d’amis, travailleurs sociaux, pour proposer aux gamins de la cité un espace de jeux dans le préau de l’école Auguste-Rodin. C’était l’embryon de la première des ludothèques de Saint-Denis, qui allait prendre forme, dans un local du bâtiment 3, sous le nom des Enfants du jeu.
Soutenue par la Ville, la ludothèque associative de Franc-Moisin déménage en 1995 au rez-de-chaussée d’un autre immeuble, dans un espace de plus de 400 m2, dont 350 m2 d’aires de jeux. « C’est plus du double de la moyenne des ludothèques », indiquent Nadège Haberbusch et Véronique Devriendt, les co-directrices, qui n’ont de cesse avec leur équipe de huit personnes d’en peaufiner les aménagements. Un espace construction pour jouer au bâtisseur ou au petit mécano, une salle des univers à peupler selon l’humeur de nounous ou de princesses, un petit salon oriental… Et tout ce qu’il faut pour se glisser dans la peau des grands, maison-mezzanine avec cuisine équipée, boutique, guichet de Poste, salle de restaurant… et des déguisements rangés sur des portants. Plus loin, l’espace conçu pour les petits, jusqu’à 4 ans, juxtapose une autre mezzanine pour imiter les grands, les éléments rembourrés d’un parcours de motricité, et même des bacs pour jouer comme à la plage, avec de l’eau et du fin sable blond. Enfin, dans la salle où ils sont mis à disposition, les jeux de plateau – plus de 500 références – sont aussi proposés au prêt.
Les usagers « sont en majorité âgés de 8-10 ans. Et on observe un rajeunissement depuis quelques années », observent Nadège et Véronique, qui y flairent l’influence des jeux vidéo et sur ordinateur, absents de la ludothèque. Pour cause. « Ces jeux favorisent tout ce qu’on déplore, le zapping, le manque de concentration, la perte de créativité. » L’antithèse du « jeu libre où l’enfant peut s’exprimer » que ces ludothécaires s’attachent à défendre contre les assauts mercantiles des fabricants de jouets et jeux numériques ou à piles. Formatrices auprès de professionnels de l’animation depuis dix ans, elles cumulent aussi les expériences où elles ont pu mesurer les vertus du jeu, auprès d’enfants suivis par des ONG dans différents pays du monde, auprès de détenus des prisons de Villepinte et de Poissy, d’adultes en difficultés, de handicapés… Et auprès des jeunes des cités de banlieue qu’elles vont rencontrer au pied des immeubles avec les jeux, surdimensionnés pour beaucoup, de leur ludomobile. Une ludothèque à installer partout très demandée par les villes du 93, dépourvues de ces espaces de jeux.
« Ces prestations couvrent un tiers de notre budget. Le reste est fourni par des financements de l’État surtout, et des collectivités territoriales, dont la Ville », précisent Nadège et Véronique. L’apport de l’État allant aux huit emplois aidés – sur dix permanents. D’où des critères d’embauche pas toujours en accord « avec les exigences professionnelles très pointues que nous avons pour notre projet ». Même à 20 ans d’âge, d’ailleurs fêté le mercredi 25 juin (notre photo), les Enfants du jeu ne déroge pas à la condition ordinaire des ludothèques, estiment Nadège et Véronique. « Ce sont des structures encore fragiles. On commence seulement à être en voie de reconnaissance. »
Marylène Lenfant
Ludothèque les Enfants du jeu ouverture cet été, du lundi au vendredi, de 14h à 17h. Au 31, allée Antoine-de-Saint-Exupéry. Tél. : 01 42 43 85 30.