Cultures
Folies d’Encre/
20 ans de résistance
« Vingt ans c’est symbolique… C’est un passage vers un nouveau cap. »
Et c’est surtout une longévité exceptionnelle pour une librairie. Voilà deux décennies que Folies d’Encre occupe le centre-ville de Saint-Denis, d’abord rue Jean-Jaurès face au Carrefour, puis place du Caquet à deux pas du cinéma l’Écran.
Pour célébrer cet anniversaire, la librairie organise une soirée conviviale vendredi 5 octobre à partir de 19h. L’occasion pour les fidèles – clients comme collaborateurs – de démontrer leur soutien et de faire le bilan sur cette aventure née à une époque que Sylvie Labas considère comme plus clémente pour les petits commerçants. « Je ne sais pas si j’ouvrirais aujourd’hui avec ce que je sais du monde du livre et de son évolution, confie la patronne. À l’époque, ouvrir une librairie ça demandait déjà beaucoup de résistance, alors aujourd’hui… » C’est sûr, de la résistance il en faut dans ce petit monde qui a vu poindre à l’horizon l’ogre Amazon et qui subit en parallèle la concurrence de grands distributeurs. Pour Folies d’Encre comme pour d’autres, il est difficile de tirer son épingle du jeu.
Faire émerger de nouveaux auteurs
Très au fait de l’actualité du marché du livre en tant que syndiquée, Sylvie constate que le terrain de jeu s’amenuise alors que l’équilibre est très fragile. « Grâce à la régulation du prix du livre (loi Lang 1981, ndlr), nous arrivons à trouver notre équilibre budgétaire », précise-t-elle. Mais quand près de 80% de l’édition et de la distribution du livre en France sont en passe d’être détenus par deux grands groupes, Lagardère (propriétaire de Hachette Livre) et Vivendi de Bolloré (en pourparlers pour acquérir Editis à l’espagnol Planeta), l’avenir à de quoi inquiéter tous les autres maillons de la chaîne : des auteurs aux éditeurs indépendants, des libraires aux lecteurs. À chacun alors de trouver un espace et de se battre pour lui.
« La littérature fonctionne toujours en France. Ils [les grands groupes]ne peuvent pas se passer des libraires qui font émerger de nouveaux auteurs. Ils sondent ce qui fonctionne. Ils attendent que les petits éditeurs prennent le risque et, ensuite, ils essaient de récupérer les auteurs qui se vendent », résume, amère, Sylvie Labas. Pour elle, le deuxième loup dans la bergerie c’est Amazon. « L’intérêt d’une librairie physique c’est que le client y rentre en sachant ce qu’il veut, et qu’il reparte avec un livre différent. Plus de 50% de nos ventes sont des découvertes, se félicite la libraire. Mais Amazon impose aux éditeurs des marges énormes. Ma grande peur c’est qu’Amazon finisse par dicter sa loi et casse le marché. »
« Un lectorat très curieux »
Le début d’une piste pour se maintenir à flots ? Selon la patronne de Folies d’Encre, acheter dans sa librairie est un acte « d’engagement sociétal » dont est conscient sa clientèle qui, à l’instar de celle du cinéma l’Écran, évolue.
« Nous avons la chance d’avoir un lectorat très curieux à Saint-Denis. Nous avons aussi des lecteurs que nous avions perdu de vue à leur entrée au collège et qui reviennent à l’âge de 30 ans ou quand ils deviennent parents. Les nouveaux habitants sont aussi très importants pour nous. Avoir toute cette offre culturelle à Saint-Denis les rassure. Certains d’entre eux m’ont dit qu’ils ne se seraient jamais installés ici s’il n’y avait pas le TGP, l’Écran, Folies d’Encre, etc. »
Si Folies d’Encre s’est forgée une réputation solide auprès des amoureux des lettres, elle est aussi un espace d’échanges. Les rencontres organisées en son sein ont accueilli des sommités comme Luis Sepulveda et Erri De Luca ou encore des écrivains populaires et investis sur le territoire comme Gaël Faye. Ces rendez-vous ont permis de construire une relation durable avec sa clientèle. « Beaucoup d’habitants sont fiers de ce que nous avons construit ensemble, affirme Sylvie Labas. La librairie n’existerait pas sans cet ensemble. »
Maxime Longuet
Soirée d’anniversaire vendredi 5 octobre à partir de 19h (14, place du Caquet).
Réactions
Christine Parra (Pseudonyme non vérifié)
15 octobre 2018