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Université Paris 8/
Situation de blocage
A Paris 8 alors que les couloirs sont étrangement silencieux pour un mois d’avril, les murs parlent dans un campus abondamment tagué par endroit. Du plus près du sujet, « Auto-défense populaire contre la sélection », au plus hors-sujet « Bois mes règles ». Du plus poétique, « Je suis l’imprévisible », au plus violent « A bas la charogne bureaucrate ». Du plus prémonitoire, « Macron tu vas bientôt savourer ta défaite », au plus soixante-huitard « Les profs vous nous faites vieillir ». Depuis une semaine Paris 8 est complètement bloquée et les pierres en sont témoins. Les narines aussi. Une légère odeur de potage émane de l’amphithéâtre B2 ce vendredi 6 avril. Dans l’amphithéâtre passablement peinturluré, plaques chauffantes et caddie rempli de victuailles ont remplacé piles de photocopies et vidéoprojecteur. S’ils n’étaient qu’à peine 200 au premier jour du blocus mardi 3 avril, ils sont bien plus de 700 ce vendredi pour l’Assemblée générale (AG). Si bien que le lieu est vite saturé. Direction l’amphi D1 plus vaste. Dans la foule, se mêlent étudiants pro-blocus, anti-blocus, personnels de l’université et des profs aussi. « La loi ORE introduit clairement la sélection à l’université, avance un professeur de cinéma, en attendant le début de l’AG. La question c’est comment on la fait et pourquoi ? Pour ce qui est du comment, de mon point de vue les critères de sélection sont inopérants. On peut avoir été très moyen à l’école et être un excellent étudiant en cinéma. Pour le pourquoi, je fais le même constat que le gouvernement : les facs manquent de capacité d’accueil. Mais sélectionner à l’entrée n’est pas la solution. Le problème se pose en amont, sur la valorisation des filières techniques notamment. Enfin tout ça s’est fait dans l’urgence. On est censé opérer une sélection alors qu’on ne connaît les critères que depuis 10 jours. »
Nouvelle AG ce mercredi
Après avoir laborieusement adopté l’ordre du jour l’assemblée générale peut commencer. Un petit groupe d’étudiants en deuxième année de Sciences politiques est venu pour voter contre la reconduction du blocus. S’ils sont « plutôt d’accord avec le combat mené », « les dégradations et le blocage par une centaine de militants », ne passent pas. Ils y voient plus « une envie de foutre le bordel » et trouvent même suspect « que la mobilisation ne démarre que maintenant à quelques semaines des partiels alors que la loi a été adoptée début mars ». Au mégaphone, les intervenants se succèdent. Tous sont farouchement opposés à la loi et disent pourquoi. « On arrêtera pas de bloquer tant que la loi ne sera pas abrogée. » « Cette loi veut favoriser les filières rentables au détriment des sciences humaines notamment. » « On organise la compétition entre universités et entre les lycées. » Deux propos contrastent tout de même. Cyril, « un étudiant qui veut juste réussir, » invoque « le droit d’étudier » et invite les bloqueurs à « aller manifester là où est le pouvoir » avant de se faire huer. Une enseignante en histoire qui se dit « piégée par cette loi, imposée aux étudiants comme aux professeurs » tient à mettre en garde l’assistance quant au mode d’action choisi. Pour elle on peut « se mobiliser contre la loi et étudier en même temps. » Et de rappeler au passage qu’avec Parcours sup « les demandes d’inscriptions à Paris 8 ont dramatiquement chuté. Les lycéens pensent que leur salut va passer par des grandes universités. In finec’est le rectorat qui désignera les étudiants de Paris 8 et nous serons ghettoïsés. » Au nom de la convergence des luttes, employés municipaux, personnels de l’université, cheminots prennent ensuite la parole, sans oublier les « exilés » qui occupent le bâtiment A depuis bientôt deux mois. Après plus de trois heures de débats qui auront découragés les moins politisés, le blocus est reconduit jusqu’au mercredi 11 avril (470 voix pour, 94 contre, 20 abstentions). Pour Zelda, étudiante en première année de sciences politiques ce n’est qu’un début : « Il faut continuer à massifier le mouvement pour tenir le plus longtemps possible. Si on ne va pas en cours aujourd’hui c’est pour que demain tout le monde puisse y aller. » Du côté de la direction de l’université on ne voit pas aussi loin et on pointe les conséquences potentielles du blocage. « Non organisation des examens et de toute procédure de contrôle de connaissance. Non signature des conventions de stages des étudiants. Non-paiement des bourses et aides. Etc. » Une direction qui invite ses personnels à ne pas se rendre sur le campus jusqu’à nouvel ordre.
Yann Lalande
Réactions
Mourad (Pseudonyme non vérifié)
10 avril 2018
st denis (Pseudonyme non vérifié)
10 avril 2018
domsd (Pseudonyme non vérifié)
10 avril 2018
La Plaine (Pseudonyme non vérifié)
10 avril 2018
georges (Pseudonyme non vérifié)
13 avril 2018
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