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Procès de Jawad Bendaoud /
L’émotion des parties civiles
Ce mardi 30 janvier, au 5e jour d’audience dans la 16e chambre correctionnelle du Palais de Justice de Paris, la parole est donnée aux parties civiles des attentats du 13 novembre 2015 ainsi qu’à ceux de l’assaut du Raid du 18 du même mois au 48 rue de la République à Saint-Denis, où étaient logés deux terroristes en fuite. Pendant deux jours, des survivants et des proches des victimes vont se succéder à la barre. En fauteuil roulant, Bley Bilal Mokono a à cœur de rappeler cette gravité aux prévenus. « Il faut que les mecs reconnaissent qu’ils ont détruit des vies, il faut qu’ils assument leurs actes », nous avait-il dit avant le début du procès.
Devant la juge, ce grand bonhomme – 1m95 pour 125 kg – a raconté, ému, le jour où sa vie a basculé. Le 13, ce quadra était au Stade de France avec son fils. Avant d’assister au match France-Allemagne, il fait une pause dans un restaurant pour manger un sandwich. Il y croise deux kamikazes qui se font exploser l’un après l’autre. Il prend peur pour son enfant, qui heureusement est sain et sauf. À ses côtés, un homme, Manuel Dias, est tué. Lui est grièvement blessé. Il n’entend plus de l’oreille gauche. Il ne peut plus marcher. Aujourd’hui, il se déplace en fauteuil.
« Nous sommes des survivants »
Il est venu chercher la « vérité » à ce procès. En écoutant Jawad Bendaoud, celui-ci l’a convaincu. Bilal pense que « Jawad est un imbécile », pas un terroriste. Il demande qu’on le juge en conséquence. Il demande aux trois prévenus « d’assumer » leurs actes en le regardant dans « les yeux ». Eux sont touchés par cette intervention, l’une des rares en leur faveur. Abdallah Saadi, qui a perdu deux sœurs lors des attentats, reste également mesuré : il trouve « louche » que les accusés ne se doutaient de rien, cependant il admet que peut-être ils ne savaient pas. Mais il leur réclame, comme Bilal, de bien se tenir durant le procès : ce n’est ni un « show », ni un « défilé de mode », insiste-t-il.
Les autres proches de victimes ont des mots beaucoup plus durs envers les accusés. Ils sont « des assassins » ou des « salopards ». L’émotion est forte. « Nous sommes des survivants. On vit l’enfer au quotidien. Personne ne peut nous comprendre. Il n’y a que nous qui pouvons comprendre, exprime Patricia Correia, qui a perdu sa fille au Bataclan. Je sais qu’ils ne sont pas coupables des attentats du 13 novembre. Mais ils sont complices d’avoir aidé les assassins de la barbarie. »
« Aujourd’hui, j’ai tout perdu »
Des habitants et des propriétaires du 48 rue de la République sont également venus témoigner. Leandro Mendes raconte le cauchemar qu’il a vécu cette nuit du 18 novembre quand il a été réveillé vers 4 h 30 par l’assaut du Raid. Pendant près de huit heures il est resté allongé chez lui avec sa femme et leurs trois enfants. Le traumatisme est encore vivace. Son récit est entrecoupé de pleurs. « Aujourd’hui, j’ai tout perdu. J’ai perdu mon emploi. Je suis sourd de l’oreille gauche. J’ai énormément d’angoisses, confie-t-il à la cour le mercredi 31 janvier. On n’a pas été reconnu comme des victimes du terrorisme ou de l’attaque policière », continue le père de famille.
La veille, des propriétaires ont témoigné de leurs difficultés à rembourser leurs prêts, se sentant floués par les assureurs, abandonnés par l’État et la Ville de Saint-Denis. Certains ont attaqué la municipalité. L’un d’entre eux s’est insurgé qu’on le présente comme un marchand de sommeil. « Aucun des occupants n’a été abandonné par la mairie, qu’ils soient propriétaires résidants ou locataires », s’est défendue la municipalité dans un communiqué. Certains propriétaires « n’assument pas leurs responsabilités, au mépris des locataires et des autres propriétaires de bonne foi », a-t-elle ajouté.
« Bendaoud est prêt à mentir comme un arracheur de dent »
Après l’émotion des parties civiles, leurs avocats ont ensuite pris le relais jusqu’au vendredi 2 février. Dans leurs plaidoiries, ils ont ciblé, avec plus ou moins de justesse, les incohérences des trois prévenus. Youssef Aït Boulahcen savait-il que sa sœur Hasna était en contact avec leur cousin Abdelhamid Abaoud, le cerveau des attentats du 13 novembre ? Les avocats en sont convaincus. « Il ne fait pas le geste de sauver sa sœur. Il l’a laissé aller à la mort », est persuadé Me Frédérique Giffard. « Vous savez que vous mentez. Vous fuyez la vérité », renchérit Me Jean Reinhart.
Les avocats pointent aussi les « mensonges » de Mohamed Soumah et de Jawad Bendaoud. Ce dernier « est prêt à mentir comme un arracheur de dent pour éviter le danger le concernant », charge Me Georges Holleaux. L’avocat de la Ville de Saint-Denis, Me Didier Seban, argumente qu’ils sont impliqués dans cette affaire à cause de leurs parcours délinquants et leur « appât du gain ». « La bête immonde du terrorisme se nourrit de gens comme vous », leur lance-t-il.
JUGEMENT LE 14 FEVRIER
Mardi 6 février, le substitut du procureur a requis 4 ans d’emprisonnement contre Mohamed Soumah et Jawad Bendaoud pour recel, sans retenir la qualification de terroriste. Il a été beaucoup plus sévère avec Youssef Aït Boulahcen en demandant la peine maximum pour non-dénonciation de crime, soit 5 ans. « Le plus médiatisé n’était pas le plus dangereux, loin de là », a-t-il exposé au début de son réquisitoire. Il a décrit Youssef Aït Boulahcen comme « un personnage qui fait froid dans le dos ». Selon lui, le prévenu n’a volontairement pas dénoncé les deux terroristes alors qu’il savait que sa sœur était en train d’aider les fuyards. Le procès touche bientôt à sa fin. L'audience s'est terminée ce mercredi 7 février. Mais contrairement à ce que nous avons écrit dans la version papier, le jugement ne sera pas connu cette semaine. La juge a annoncé qu'elle le prononcera le 14 février.
Réactions
lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
05 février 2018
Mourad (Pseudonyme non vérifié)
06 février 2018
Claude (Pseudonyme non vérifié)
08 février 2018
pignard.josette... (Pseudonyme non vérifié)
11 février 2018
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